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REVUE LITTÉRAIRE

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LES DÉBUTS DE VENISE
DANS NOTRE LITTÉRATURE[1]

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Au deuxième chapitre de son Jean-Jacques Rousseau, Jules Lemaître conte le séjour que Jean-Jacques fit à Venise, en qualité de secrétaire de M. de Montaigu, ambassadeur de France ; et il note que Jean-Jacques « s’étend avec complaisance sur cette période de sa vie, » mais « ne dit pas un mot de la beauté de Venise, tant célébrée depuis un siècle par les écrivains, et avec des mots si pâmés ! » C’est, pour Lemaître, l’occasion de taquiner un peu les romantiques. Il appelle Rousseau leur aïeul et Chateaubriand leur père ; il attribue à l’influence de Rousseau le commencement de la déraison romantique. Et il admet qu’ensuite la déraison s’est développée avec entrain. Quant à Venise, par exemple, Rousseau lui semble beaucoup moins fou que ses petits-enfans… « Venise est une belle cité grande comme la moitié de Paris, assise sur la mer, tout environnée d’eau qui court la plupart des rues de la ville, et vont les petits gahots et bateaux parmi lesdites rues ; et il y a des ponts, tant grands que petits, tant de bois que de pierre, environ de douze à quinze cents. Et c’est la ville la plus peuplée qu’on puisse guère voir, car on n’y voit point de jardins ni de places vides. Et il y a les plus belles boutiques de toutes marchandises qu’on puisse guère trouver, et la plupart des métiers sont faiseurs de soie et de velours. Et il y a quantité de belles maisons qu’on appelle palais ; et chaque seigneur a sa barque pour aller

  1. Béatrix Ravà, Venise dans la littérature française, depuis les origines jusqu’à la mort de Henri IV, avec un recueil de textes dont plusieurs rares et inéditis.’Champion éditeur.)