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Encore une fois, je n’ai pas la prétention d’aplanir ni seulement de prévoir toutes les difficultés de la tâche. Mais on ne saurait nier que les avantages de l’union seraient considérables pour les deux peuples. Il en est de politiques, d’économiques, de financiers. Les profanes, consciens de leur incompétence, doivent être forcément très réservés en ces matières. Cependant, il y a des résultats palpables, qui tombent sous les yeux de tout le monde.

Si nous admettons entre Italiens et Français la possibilité d’une alliance loyale et permanente, sans arrière-pensée d’aucune sorte ; si, d’accord avec l’Angleterre et la Russie, qui ne peuvent pas séparer leur action de la nôtre, nous reconnaissons à l’Italie une zone d’influence bien définie, — il est évident que celle-ci acquerra une liberté de mouvement, une facilité et une puissance d’expansion qu’elle n’eut jamais sous le régime de la Triplice. Son développement commercial et industriel se tourne principalement vers l’Asie Mineure et la Méditerranée orientale. Depuis des siècles, l’Italie a des relations nombreuses et constantes avec ces parages. Les nationaux y sont abondamment représentés, depuis Constantinople jusqu’aux cataractes du Nil. Ce sont ses terrassiers et ses entrepreneurs, qui, en majeure partie, ont construit la ligne du Hedjaz. Sa langue est au moins autant parlée que la nôtre dans tout l’Orient. A Alexandrie, elle rivalise avec le grec, pourtant si répandu. Dans tous les centres importans, elle a des colonies, des missions et des écoles, dont quelques-unes, comme celle de Smyrne, somptueusement installées. Jusqu’ici, elle y a rencontré l’Allemagne et l’Autriche pour lui barrer la route. Récemment, M. Barzilai, dans un discours prononcé à Naples, révélait au public le fait suggestif que voici, dont toute la presse italienne s’est emparée : « Lorsque l’Italie, d’accord avec l’Angleterre, obtint en Asie Mineure, à Adalia, une concession de chemin de fer, les spectres de ses alliés l’y suivirent, chacun d’eux selon sa méthode : l’Autriche, qui n’y avait jamais pensé, réclama une zone voisine de celle où devait passer le chemin de fer italien, et l’Allemagne, — la chose est restée ignorée, mais elle est typique, — l’Allemagne s’empressa d’y envoyer des agens de la Deutsche Bank, qui, sous prétexte d’y vendre des machines