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seules. Soyons sûrs que nul ne l’oublie, et que la canonnade, tantôt intermittente et tantôt violente, qui tonne vers Doiran et la Strouma, et que vraisemblablement nous ne nous contentons pas de subir, est le signal d’un prochain départ. Par derrière, la mer est libre et laborieuse. Elle relie, par le va-et-vient des convois, le front oriental au front occidental. Il n’y a, dans le front unifié des nations de l’Entente, qu’une déchirure : celle qu’a faite la perfidie bulgare. C’est à l’armée venant de Salonique et à l’armée venant de la Dobroudja de la recoudre : le plus vite et le plus sûr sera le mieux pour la cause commune.

De l’entrée en scène de la Roumanie, décidée à Bucarest, quasi unanimement, dans un conseil de la Couronne où siégeaient, avec les ministres, les chefs de partis, et sur l’avis conforme du Roi, qui s’est dignement et noblement souvenu d’être le roi des Roumains avant d’être un Hohenzollern, la Hongrie d’abord, puis l’Autriche, puis l’Allemagne, ont éprouvé ou feint d’éprouver un profond étonnement avec une profonde indignation. Elle n’avait pourtant rien d’imprévu, encore bien moins d’improbable. La pensée qui nous est spontanément venue, quand, à la dernière heure de la quinzaine passée, nous en fûmes informés, c’est que « la force des choses était partout la plus forte, » et que « l’inévitable s’accomplissait. » Nous nous abusions seulement en ajoutant que ce fait plein de conséquences ne surprendrait ni nos ennemis ni nous. Il parait qu’il les a surpris. Ils n’avaient donc pas réfléchi ; ils n’avaient donc pas regardé. La vérité est que, le jour du mois d’août 1914 où, un premier conseil de la Couronne ayant déclaré caduc l’engagement secret, l’espèce de pacte de famille, contracté, comme bon parent, par le roi Carol, la Roumanie avait proclamé sa neutralité, la Roumanie, ainsi que l’Italie, dont la position politique était toute pareille, avait mis le doigt dans l’engrenage de la force des choses, s’était abandonnée ou confiée à l’inévitable. Fatalement, la neutralité devait la mener à la guerre, ainsi qu’elle y menait fatalement l’Italie ; et fatalement, ainsi que l’Italie, sortie de la Triple Alliance, elle était jetée dans la Quadruple Entente. Leur position politique étant pareille, et pareilles leurs raisons, d’abord de se réserver et de se retirer, — la Triple Alliance allant contre son objet, dépouillant, reniant son caractère purement défensif, — ensuite d’agir, — les aspirations nationales à satisfaire, des terre irrredente à réunir enfin à la patrie, — pareilles aussi devaient être l’attitude, l’évolution, la résolution des deux pays. Le gouvernement roumain l’a vu et l’a dit très clairement, dans le texte de la déclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche-Hongrie :