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parler d’elle. C’est comme portée par une longue suite d’événemens souvent dramatiques qu’au mépris de ses intérêts les plus évidens et sous l’influence de son roi, Ferdinand de Cobourg, elle a pris parti dans la guerre actuelle contre les alliés de qui elle n’avait reçu que des bienfaits.

Alors qu’en devenant le complice de Guillaume II et de François-Joseph, le monarque bulgare a assumé une part de leurs responsabilités et attiré sur sa tête le châtiment auquel ils sont voués, il m’a paru intéressant de convier les lecteurs de la Revue, ainsi que je l’ai déjà fait pour le prince de Bismarck, à une promenade à travers les événemens qui ont créé dans les Balkans la situation telle qu’elle existe aujourd’hui. Tel est l’objet de ce travail qui n’ambitionne autre chose que d’être une contribution à l’histoire définitive des origines et des causes de la guerre de 1914.

A la mi-décembre 1877, la guerre turco-russe touchait à sa fin ; la capitulation de Plevna après une défense héroïque, la marche rapide des armées du Tsar vers Constantinople et la conquête foudroyante des Balkans par le général Gourko avaient acculé les Turcs à une situation désespérée. Le Sultan déclarait à l’Angleterre qu’il était prêt à demander la paix et le Cabinet de Londres s’empressait de transmettre cet avis à Saint-Pétersbourg, désireux de s’assurer de l’accueil qui serait fait par l’empereur Alexandre II à des ouvertures pacifiques.

Sans s’associer officiellement à cette démarche, la France déclarait que l’influence morale dont elle pouvait disposer officieusement était entièrement acquise à la cause de la paix ; son ministre des Affaires étrangères, Waddington, chargeait le général Le Flô, notre ambassadeur en Russie, de parler dans ce sens au chancelier prince Gortchakof et de lui exprimer l’espoir que, pour arrêter l’effusion du sang et surtout pour prévenir les complications qu’amènerait un dissentiment plus grave avec l’Angleterre, le Cabinet de Saint-Pétersbourg ne ferait rien qui put froisser inutilement les susceptibilités anglaises.

Il tenait à Londres un langage analogue. « La même recommandation n’a pas moins d’opportunité à Londres, en ce qui concerne la Russie, écrivait-il au marquis d’Harcourt, et il importe, selon nous, essentiellement, que le gouvernement anglais évite soit dans l’attitude, soit dans le langage tout ce qui pourrait paraître de la hauteur ou de la défiance. »