Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/744

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que trente-quatre hommes et trente-six chevaux. C’est peu, dit-il, et cela est vrai. Il tombe au milieu des bruits les plus contradictoires. Les Italiens disposent de tout avec une extraordinaire liberté, ils font des rois, des ducs, des gouverneurs, des colonels généraux et tout cela en faux. « Ce qu’il y a de bien sûr et ce que je puis t’assurer, écrit Eugène, c’est qu’en Italie, on désire beaucoup que ce soit l’Empereur qui conserve le titre de roi des Lombards et que celui de ses frères qu’il a l’intention déplacer ne soit que vice-roi. Les gaillards, ajoute-t-il, ne sont pas dégoûtés. » Un mois plus tard, lorsque l’Empereur et l’Impératrice, en route pour Milan, sont déjà arrivés à Lyon (25 germinal XllI-15 avril), il écrit à Bessières : « Entre nous, ce pays-ci est très beau, mais l’esprit y est des plus mauvais ; point d’enthousiasme, point d’attachement pour personne, et la plus cruelle aversion pour tout ce qui n’est pas italien. » Le lendemain, il écrit : « L’esprit public est bien mauvais dans cette chienne de ville ; » nul que lui ne semble moins penser que sa destinée va y être attachée, qu’il aura à tenir tête à ces peuples qu’indispose si fortement le caractère français et à s’y consacrer.

Dans le cortège du sacre de Milan, il marche, comme prince de l’Empire, au-devant de l’Empereur, à défaut des princes impériaux ; dans la visite à Saint-Ambroise, il commande les troupes, sous les ordres du colonel général de service ; il s’occupe avec Bessières à constituer la Garde italienne, parce qu’il commande les chasseurs ; l’Empereur a bien pensé à lui conférer une souveraineté, mais c’eût été le duché de Parme. Et puis, d’autres pensées sont venues qui ont rompu tous les plans. Après Joseph et Louis, l’Empereur a pressenti Lucien pour la couronne de Lombardie ; il le ferait roi, à condition que sa femme. Mme Jouberthou, consentit à n’être que duchesse de Parme, avec souveraineté pour elle et future succession pour ses enfans : Lucien veut tout ou rien. S’il est roi, sa femme doit être reine et son fils prince royal. Là-dessus, rupture.

Il faut pourtant quelqu’un pour tenir la place à Milan. Puisque aucun Bonaparte ne consent à l’accepter, l’Empereur prendra un Beauharnais et, le 18 prairial (7 juin), il rend sa décision publique, il nomme le prince Eugène vice-roi du royaume d’Italie « pour qu’il remplisse, conformément à ses décrets et instructions, les fonctions qu’il lui a attribuées, qu’il exerce