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ne s’améliore pas... et pour cause ! Le pain, les conserves envoyés, sont pour nos soldats manne dans le désert !

Les vivres se faisant rares en Allemagne, les prix sont élevés ; or, les prisonniers, par leur travail, gagnent en moyenne 30 pfennigs ; bien rare est celui qui gagne 1 ou 2 marks dans les usines, les fabriques, les mines, les carrières, les fermes où l’on envoie les captifs en travail commandé.

Si le travail est refusé, c’est le cachot !

S’il y a manquement à la discipline, injure envers les gardiens du camp, ce sont les représailles qui aggravent les punitions.

Mais, pour se plaindre, un prisonnier français n’a pas besoin d’attendre la visite du délégué espagnol ; il peut écrire directement à l’ambassade d’Espagne à Berlin, écrire en français. Sa lettre ne sera ni arrêtée, ni soumise à la quarantaine de rigueur. La Commission prévenue fait aussitôt une enquête.

Il est facile d’imaginer le travail écrasant confié à ces dix personnes, qui doivent tout voir, tout savoir, tout noter, et cela non pas seulement sur un point de l’Allemagne, mais dans tous les camps disséminés à travers les Empires austro-allemands !

S’il s’agit des représailles, — douloureuse question, — c’est l’ambassade seule qui a le pouvoir d’intervenir ; c’est elle qui parle au nom de la France, demande l’arrêt de ces cruautés, ou menace de traitemens réciproques les prisonniers allemands. Cette vendetta, hélas ! durera jusqu’au bout de la guerre, faisant d’innocentes victimes. Comment l’arrêter ? Comment mettre un terme à la colère d’ennemis qui s’excitent contre des hommes sans défense ? Comment faire entendre, dans cette furieuse mêlée des passions mauvaises, le langage de la raison et de la pitié ?

La voix de l’ambassadeur d’Espagne à Berlin s’élève avec calme et fermeté ; elle propose des gages, elle offre des garanties, cherche des équivalens pour obtenir une entente, et le Roi est heureux, quand son représentant a pu empêcher un nouveau martyre.

Parmi ces prisonniers, quelques-uns connaîtront la libération. J’ai dit quelles délivrances avaient été obtenues par S. M. Alphonse XIII. La libération des prisonniers se fait de façon pour ainsi dire automatique. C’est le gouvernement français