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anglaises consommèrent, en l’espace de douze heures, un total de 999.500 cartouches. Et le rapport trouvé sur un officier allemand capturé à Thiepval appréciait en ces termes les mitrailleurs britanniques : « L’infanterie britannique est d’une extraordinaire opiniâtreté dans la défense ; il est extrêmement difficile de déloger même les plus faibles fractions, une fois qu’elles ont pris pied avec leurs mitrailleuses dans le coin d’un bois ou dans un groupe de maisons. »

Enfin, si redoutables et si compliquées que soient les organisations défensives allemandes, nous avons appris, plus d’une fois, à les maîtriser et à les saisir. Déjà en 1915 les noms glorieux de Carency, de Notre-Dame-de-Lorette, du Labyrinthe, véritables repaires de mitrailleuses blottis dans des champs de fils de fer, sont là pour le démontrer. Il faut rappeler qu’un des grands chefs de l’offensive française sur la Somme, le général Fayolle, est précisément le vainqueur de Carency, ce village de l’Artois si scientifiquement mis en état de défense, et dont la prise réalisée en trois jours, par un encerclement méthodique qui passe pour un modèle, causa une si grande surprise à l’état-major allemand. Depuis lors et en particulier sous Verdun, notre infanterie a prouvé qu’elle savait affronter les rafales meurtrières et courir sus aux fusils-machines. Un glorieux épisode l’a démontré avec éclat, dont le héros fut un modeste officier de réserve, le lieutenant Le Picard, un des rares fantassins pour qui le commandement ait laissé fléchir l’implacable consigne de l’anonymat !

Il demande et obtient la permission de tenter la reprise d’une tranchée perdue, où les Allemands venaient d’installer une mitrailleuse. Pipe à la bouche et canne à la main, le lieutenant s’avance avec la plus magnifique bravoure. « En avant les gars, s’écrie-t-il ; et chargeons comme des mousquetaires ! » Au moment d’aborder la position, il tombe frappé à mort de six balles, mais ses hommes sautent sur les mitrailleurs ennemis et les exterminent : la tranchée perdue était reconquise. Sur la Somme, c’est avec le même élan irrésistible que notre infanterie et celle de nos alliés savent affronter les plus formidables machineries et s’en rendre maîtres. Dans la grosse agglomération de Combles, à la fois arsenal et forteresse, chaque maison constituait une redoute, chaque cave un guet-apens de mitrailleuses ; plusieurs sections de mitrailleurs d’élite