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nos deux empires dans le sens de la paix. Les dispositions de l’empereur de Russie sont les mêmes. Ce matin, j’ai reçu de lui une lettre où il me dit : « Je n’engagerai ni un de mes régimens, ni une de mes caisses dans les affaires des Balkans. »

En même temps que le vieux souverain manifestait sa confiance dans le maintien de la tranquillité européenne, il faisait exprimer au prince Alexandre « sa sympathie personnelle pour la dignité dont il avait fait preuve et pour le méritoire désintéressement de sa conduite. » Si, comme tout autorise à le croire, c’est par l’intermédiaire du kronprinz Frédéric que ce témoignage de bienveillance parvint a Alexandre de Battenberg, il dut en être profondément heureux et y voir la preuve que son abdication n’éloignait pas de lui la jeune princesse, qui, malgré Bismarck, persistait, avec l’assentiment de ses parens, à se considérer comme sa fiancée. Au surplus, cette preuve n’était pas nécessaire. Il savait qu’un accueil affectueux l’attendait dans la famille impériale et, en fait, ce fut seulement au mois d’avril 1888 qu’il fut invité à cesser d’y venir « pour le moment. »

Il n’en est pas moins vrai que, pour ne pas déplaire au gouvernement russe, le gouvernement allemand approuvait la révolution qui venait de s’accomplir à Sofia. Lorsque, au mois de décembre, on annonça à Berlin la visite prochaine des députés bulgares, Grékof, Stoïlof et Kaltchef, que le Sobranié, d’accord avec Stamboulof, envoyait dans les grandes capitales, pour appeler l’intérêt des Puissances sur la Bulgarie, et leur demander de lui donner un souverain, il fut décidé que lorsqu’ils se présenteraient à la Wilhelmstrasse, ils seraient reçus par le comte Herbert de Bismarck, fils du chancelier et secrétaire d’Etat, et qu’il les inviterait fortement à s’entendre d’abord avec la Russie.

À ce moment, l’ambassadeur de France, M. Jules Herbelle nommé à Berlin en remplacement du baron de Courcel, venait de prendre possession de son poste. Dès sa première entrevue avec le chancelier, c’est de la Bulgarie que celui-ci l’entretint.

— Vous arrivez à Berlin dans un moment où la politique est assez compliquée, lui dit-il. Les événemens de Bulgarie me préoccupent. Sans doute la Russie est fondée à revendiquer un rôle prépondérant dans ce pays qui se trouve dans le giron de son action directe, comme la Serbie dans celui de l’action de