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à régner sur la Bulgarie. Il finit par comprendre la gravité des périls qui le menacent, et s’il a rêvé le pouvoir suprême, ce qui reste douteux, il y renonce. Le procès intenté à Karavélof et à ses prétendus complices se dénoue par un jugement qui les condamne à une détention à laquelle les circonstances mettront bientôt un terme, et Stamboulof se décide à redoubler d’efforts pour donner un successeur au prince Alexandre ou pour ramener celui-ci, s’il est démontré que la couronne bulgare ne tente personne.

Il semblait en effet qu’elle ne tentât personne. Les trois députés bulgares, dépêchés par Stamboulof à la recherche d’un candidat, se heurtaient partout à l’indifférence des gouvernemens, à des refus ou à des impossibilités. A Berlin et à Vienne, on ne les avait reçus qu’à titre privé. A la Wilhelmstrasse, après les avoir invités à s’entendre avec la Russie, on leur objectait qu’ils étaient sans droit pour parler au nom de la Bulgarie et que ce droit n’appartenait qu’au Sultan de Constantinople, leur suzerain. Au Ballplatz, le comte Kalnocky, qui dirigeait les affaires de la Monarchie austro-hongroise, affectait vis-à-vis d’eux une extrême réserve. Mais, à la fin de juin, on apprit qu’ils avaient enfin mis la main sur un candidat, et le nom de celui qui devait durant tant d’années faire parler de lui à son désavantage plus souvent qu’en sa faveur, ce nom était bientôt sur toutes les lèvres.

A peine est-il besoin de rappeler qu’issu d’une branche collatérale de la maison régnante de Saxe-Cobourg Gotha, et alors âgé de vingt-six ans, le prince Ferdinand descendait des Bourbons par sa mère Clémentine d’Orléans, la plus jeune fille de Louis-Philippe, roi des Français. Jusqu’au jour où il aspire à la couronne de Bulgarie, des voyages et une existence assez déréglée, qui lui vaut dans Vienne le renom d’un débauché, paraissent suffire à ses ambitions. Mais après l’abdication d’Alexandre, elles s’éveillent et se déchaînent passionnées et ardentes sous l’influence de sa mère. Elle gémit de le voir oisif, vouée à un avenir obscur et sans gloire, et de constater que ce descendant d’Henri IV et de Louis XIV, bien qu’il se glorifie de ses illustres aïeux, n’est encore autre chose que lieutenant de réserve dans la cavalerie autrichienne. Un trône est vacant, pourquoi ne l’occuperait-il pas ?

Qui du fils ou de la mère s’est posé le premier cette