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« Une autre partie de la plaine. Une armée qui s’avance. » (Ne dirait-on pas des indications à la Shakspeare ? )


Mais d’un éclat guerrier les campagnes se parent.
Ah ! les fils du Danube au combat se préparent.
Avec quel air fier et joyeux Ils portent leur armure !
Et quel feu dans leurs yeux !
Tout cœur frémit à leur chant de victoire.
Le mien seul reste froid, insensible à la gloire.


Rappelez-vous ce récit grandiose, héroïque d’abord, puis désolé, l’élan des premières paroles, l’accablement des dernières et leur chute, si morne, dans le silence d’un orchestre qui tout à l’heure soutenait le discours lyrique et maintenant l’abandonne et le trahit. Que de sentimens divers, mais analogues et qui se touchent, qui se mêlent, le souvenir seul de la musique n’a-t-il pas le pouvoir d’éveiller ! Un jour de ce printemps, non pas dans la plaine, mais au carrefour d’une forêt, des soldats aussi, devant nous, vinrent à passer : des fils, non du Danube, mais de nos fleuves de France. Avec quel air fier et joyeux ils portaient, non pas leur armure, mais leur tunique couleur du ciel ! En les voyant si jeunes, et si braves, et si beaux, le promeneur à cheveux blancs éprouva quelque chose de la tristesse, des regrets, dont le cœur du vieux Faust est rempli. Mais son cœur à lui, bien loin de rester froid, insensible à la gloire, battait de la douleur de ne pouvoir plus y prétendre, y marcher, y courir avec eux.

Sur d’autres pages de la Damnation de Faust, une couleur et vraiment une poésie militaire est répandue. Quand s’éteignent les dernières notes de l’air de Marguerite : « Il ne vient pas ! » quelle expression redoublée de détresse et de délaissement y ajoute l’écho de « la retraite, » sous les fenêtres de la délaissée ! Ailleurs, par les rues de la ville, des soldats passent encore, et, cette fois, en chantant. Il y a, dans notre musique française que le Faust de Gœthe inspira, deux chœurs de soldats également célèbres, mais très différens et fort inégaux : celui de Berlioz et celui de Gounod. Le second n’est qu’un accessoire, un hors-d’œuvre plaqué. Il fallait faire revenir Valentin (« Mon frère est soldat »), ne fut-ce que pour maudire sa sœur. Alors on l’a fait revenir avec les camarades. Excellente occasion de « construire » un « ensemble : » marche d’abord, chœur ensuite,