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que vous imposez soit, une fois pour toutes, sans retour et sans discussion possible, la paix. »


L’armistice n’est pas seulement la suspension d’armes nécessaire, il est aussi le prélude de la pacification entre les peuples. Il est, à la fois, la dernière phase de la guerre et la première forme de la paix. De l’alinéa initial à l’alinéa final de son texte, la guerre et la paix sont, pour ainsi dire, entrelacées. Et c’est pourquoi il exige d’autres et non moins importantes préparations et élaborations. Le but idéal de la guerre et la pensée des gouvernemens, quand ils ont dû prendre leur parti de la guerre, doivent nécessairement s’y retrouver dans leur essence. Chacun de ses termes décidera d’un chapitre de l’histoire du monde. C’est là que se fait la jonction entre l’œuvre du pouvoir civil et l’œuvre du pouvoir militaire ou, plutôt, c’est là que doit se trouver l’expression de la volonté nationale en action.

Bismarck donne, dans ses Souvenirs, la doctrine, telle qu’il la conçoit, des relations de l’état-major avec le gouvernement pendant la guerre. Il rappelle que le dieu Janus a deux faces : l’une tournée vers les affaires civiles, l’autre vers les affaires militaires, et il ajoute : « La tâche de la direction de l’armée se propose l’anéantissement des forces ennemies ; le but de la guerre, c’est d’obtenir la paix à des conditions en rapport avec la politique poursuivie par l’Etat. Le soin d’établir et de limiter les résultats qui doivent être atteints par la guerre, la préoccupation pour le prince de délibérer à ce sujet, est et demeure, pendant comme avant la guerre, un problème politique. Les voies et moyens employés dépendront toujours de cette question : a-t-on voulu atteindre le résultat finalement obtenu ? ou plus, ou moins ? Veut-on exiger des cessions de territoire ou y renoncer ? Veut-on obtenir la possession d’un gage et pendant combien de temps ? » L’esprit réaliste de Bismarck n’envisage, comme on le voit, que des objets concrets. Exclusif et autoritaire, il tend à subordonner à ses vues celles de l’état-major. Il se plaint, qu’à Versailles, « il dut se résigner à ne pas être appelé à donner son avis sur les choses de la guerre. » On sait que, finalement, ce sont les vues de l’état-major qui l’emportèrent, en effet, non seulement pour la rédaction de l’armistice, mais pour les conditions générales de la paix. Mais il n’en reste