Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus au Nord, ayant leur force principale vers Lenoncourt, prêtes à contre-attaquer, s’il y a lieu, soit vers Haraucourt, soit vers Réméréville. Au fort de Bourlemont, toutes les dispositions sont prises pour une vigoureuse défensive.

On n’est pas encore renseigné exactement sur les intentions de l’ennemi ; il semble qu’il tende à s’écouler vers la trouée de Charmes ; en effet, on signale une division ennemie s’avançant sur la route de Château-Salins et se dirigeant vers le Sud ; plus au Sud, le 11e bavarois est sur le Sanon (la IIIe division bavaroise est sur Maixe-Drouville) ; plus au Sud encore, un corps d’armée entre le Sanon et la Meurthe se retranche dans la région Maixe-Anlhelupt-Flainval. Partout l’ennemi creuse des retranchemens comme pour se protéger à sa droite, et installe ses batteries. Quelle chance inespérée s’il se lance vraiment en avant, prêtant le flanc à la manœuvre qui le menace du haut du Grand-Couronné !


À midi, je pars en reconnaissance avec mon peloton, le long de la Meurthe, pour voir à Damelevières et Blainville les mouvemens de l’ennemi. Pas d’incident. En passant près d’un petit bois, au retour (il fait presque nuit), on nous tire dessus assez vivement. C’est un poste français qui nous prend pour des uhlans ! Personne n’est atteint. Les patrouilles allemandes ont franchi, ce soir, la Meurthe[1].


Mais on peut hésiter encore sur les intentions de l’ennemi. Dans cette journée du 23, il tente deux attaques sur le Rembétant, l’une vers dix heures venant de Dombasle, l’autre vers treize heures, par le bois de Crévic. Elles sont arrêtées toutes deux par le feu de l’artillerie-lourde du Rembétant et des batteries de la rive gauche de la Meurthe : une des attaques contre le Rembétant est repoussée vigoureusement par les 212e et 290e de réserve. Or, sans que les troupes françaises s’en doutassent, elles avaient, par leur artillerie de la rive gauche de la Meurthe, infligé des perles nouvelles très sérieuses aux Allemands, notamment aux environs de Blainville, où l’artillerie du 15e corps avait fait de véritables ravages ; le spectacle impressionnant en fut donné aux officiers français, dès le lendemain matin, lors des reconnaissances.

C’est dans cette matinée du 23 qu’avait eu lieu l’entrevue émouvante rapportée entre le général de Castelnau et le général

  1. La Victoire de Lorraine (Carnet d’un officier de dragons), p. 17.