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Voici, maintenant, ce qui concerne les armées de l’Est :


L’armée du prince-héritier de Bavière, pendant qu’elle poursuivait l’ennemi en Lorraine, a été attaquée par de nouvelles forces françaises, venant de la position de Nancy et du Sud, et les Français ont été repoussés. L’armée du général von Heeringen continue la poursuite de l’ennemi dans les Vosges, dans la direction du Sud. L’Alsace est évacuée par l’ennemi.


L’officieuse agence Wolff glisse un commentaire qui a pour but de réduire l’importance des batailles de l’Est :


Notre aile gauche, après neuf jours de combats de montagne, a repoussé les troupes de montagne françaises jusqu’à l’Est d’Épinal. La cavalerie avance victorieusement.


C’est tout. Ces rencontres terribles, ces batailles aux larges envergures, cette défaite grosse de conséquences sont, devant l’histoire officielle, comme si elles n’étaient pas. De part ni d’autre, les bulletins ne la signalent, et ils n’y reviendront plus jamais. Calcul d’un côté, réserve extrême, excessive, de l’autre.


Il est facile de comprendre, maintenant, quel crédit « la manœuvre morale » donne au haut commandement allemand. Il est facile de comprendre comment le peuple allemand put se croire vainqueur sur toute la ligne, alors que le sort de la guerre se décidait contre les desseins de ses chefs. Il est facile de comprendre pourquoi il ne put admettre ni les faits ni les conséquences ultérieures quand l’armée française vainquit l’armée allemande sur la Marne et réduisit à néant le système de Schlieffen. Tels sont les avantages et les inconvéniens réciproques des deux manières, quand il s’agit d’une guerre où les peuples et les opinions sont engagés. Si le peuple allemand conserve encore aujourd’hui une foi aveugle, c’est peut-être parce qu’il ignore les fautes de ses chefs et qu’il lui est impossible de déduire de ce qui s’est passé ce qui se passera demain.

A plus forte raison, les neutres acceptent la version donnée par la propagande allemande.

Cependant, quelques esprits avisés sentent que les affaires de Lorraine sont mal élucidées : le colonel Feyler analyse « la manœuvre morale ; » Angelo Gatti, observateur très attentif de la carte, devine, sous les phrases ambiguës des communiqués, quelque partie de la vérité. Il écrit le 1er septembre : « En Lorraine, la marche offensive des forces françaises s’est accentuée,