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Lorrain qu’est le général Lyautey, quelle consolation de sentir que, si la France a dû reculer momentanément ici, elle avance, là-bas, à plus larges enjambées ! Pour un homme dont le logis familial fut souillé par la présence du Teuton, comme c’est bon de fouler en vainqueur le sol d’un pays que l’Allemagne considérait déjà comme son fief ! Et quelle belle et première revanche de se dire qu’on a déjoué les calculs de la ruse et de la force germaniques, là même où nos ennemis nous avaient si durement humiliés et où ils s’apprêtaient à triompher définitivement de nous, à nous chasser pour toujours !

Cet événement, en somme secondaire, a donc une signification qui dépasse de beaucoup le fait lui-même. Il est de ceux qui, en ce moment, contribuent à accroître notre fierté nationale et notre confiance dans l’avenir. Aux yeux de nos sujets marocains, l’initiative du général Lyautey démontre hautement que la France attaquée, bien loin de renoncer à ses projets civilisateurs sur leur pays, entend les poursuivre avec plus de vigueur et de persévérance que jamais. Il leur prouve que, même après deux années de guerre, et d’une guerre comme jamais le monde n’en a vu, elle est toujours capable de pourvoir à leurs besoins matériels, comme de veiller à la sécurité de leur sol ; que ni son commerce, ni son industrie n’ont souffert de la rude épreuve, — et enfin et surtout que la camelote allemande ne passe plus, que les mercantis de Hadji-Guilloun ont dû faire leurs paquets sans espoir de retour ; qu’en un mot> pour l’homme de l’Atlas, la France est l’unique maîtresse de la terre et de la mer…

Voilà ce que signifie la foire de Fez. Et voilà pourquoi, malgré des raisons trop légitimes de tourner ailleurs nos regards, nous ne pouvons pas la laisser passer comme un fait-divers sans importance.


C’est égal ! On se demande ce que peut bien être une foire de Fez. Ce vieux mot, de si honnête lignée française, accolé à une ville du Moghreb, ne laisse pas que de surprendre, dès qu’on cherche à tirer au clair ses idées. Mais il faut, pour cela, y réfléchir. Au premier abord, on se laisse prendre par le mirage africain. On oublie nos foires bourgeoises, avec leurs cortèges de bonshommes en pain d’épices, et, parce qu’on a la