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trouve en lui un actif auxiliaire et que les misères des prisonniers l’implorent volontiers comme consolateur et souvent comme avocat. Le jour, prochain sans doute, qui libérera les Lillois de leur servitude, les libérera de leur silence. Ils nous diront alors ce que fut cet évêque qui sut comprendre qu’en apparaissant comme otage aux côtés du préfet, du maire, du recteur, il renouvelait devant l’ennemi l’union de l’Église et des forces d’État.


VI

Partout en Franee cette union se réalisait : la place qu’avait prise le cardinal-archevêque de Paris, dès le début de la guerre, dans le Comité du Secours national, témoignait tout à la fois quelle aide l’Eglise tenait à prêter et quelle aide l’opinion attendait de l’Eglise. Les réfugiés des pays envahis trouvaient à Versailles, sous les auspices de l’Action sociale fondée par Mgr Gibier, des chambres non meublées, dont le mobilier, au fur et à mesure qu’ils les occupaient, était fourni par la charité publique. Nombreux étaient les diocèses où les détresses de la guerre provoquaient la fondation de comités catholiques, qui tantôt s’efforçaient, comme à Lyon, d’exercer une action autonome, et tantôt collaboraient à l’œuvre commune de soulagement et de réparation.

L’appel qu’adressait le ministre de la Guerre à l’initiative privée pour assurer à nos blessés des vêtemens chauds en vue de l’hiver suscitait dans le diocèse d’Orléans, dès le mois de septembre 1914, un afflux de dévouemens : l’initiative de Mgr Touchet réclamait des dons en argent, des dons en nature, des travailleuses de bonne volonté, pour l’Œuvre de l’Habit chaud, et son éloquence les obtenait aussitôt. Le pays eût été surpris que l’Église ne donnât pas certaines consignes et n’esquissât pas certains gestes ; ceux qui jadis peut-être eussent été prompts à la renvoyer à ses liturgies et à la soupçonner d’indiscrètes ingérences étaient les premiers à trouver tout naturel que les divers évêques unissent leurs efforts à ceux de l’État, tantôt pour la collecte de l’or, tantôt pour le succès des emprunts nationaux ; et si, par discrétion, par crainte de se mêler des affaires publiques, les évêques s’étaient tus, leur silence eût été blâmé. Le désir qu’on avait de leur