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vivacité et de spontanéité qu’en Bulgarie. Là, depuis longtemps, le souverain attendait l’événement et, en l’attendant, avait conçu un grand projet.

Ce projet, c’était celui de l’Union balkanique, c’est-à-dire d’une coalition entre les États de la péninsule, qui formerait un rempart infranchissable contre les progrès menaçans du germanisme représenté par l’Autriche-Hongrie comme contre tous les périls auxquels le slavisme était exposé. C’est presque en ces termes que le roi Ferdinand justifiait son plan lorsqu’il commençait à en parler. Mais ses explications étaient incomplètes et manquaient de franchise. Sa conduite ultérieure a prouvé qu’il se préoccupait moins des intérêts du slavisme que de ceux de sa dynastie, que les premiers le laissaient indifférent et qu’il cherchait surtout à assurer l’agrandissement de son royaume, l’expansion de sa puissance et sa domination dans les Balkans, où il rêvait de jouer un rôle identique à celui de la Prusse en Allemagne.

A la fin de 1911, l’alliance était en formation et, au début de 1912, l’accord serbo-bulgare en constituait le fondement. Elle devenait bientôt définitive, grâce à une suite de traités conclus par la Bulgarie et négociés par son premier ministre Guéchof avec la Serbie, la Grèce et le Monténégro. La Roumanie n’y avait pas adhéré ; elle se réservait. Dirigée manifestement contre la Turquie et accessoirement contre l’Autriche, l’Union s’était placée, diplomatiquement parlant, sous le patronage de la Triple-Entente. Elle avait son siège à Sofia ; c’est de là que les alliés devaient recevoir les directions qu’en sa qualité d’inspirateur de l’alliance, Ferdinand entendait lui imprimer.

Sur ces entrefaites, en Macédoine et en Albanie où l’irritation contre le gouvernement de Constantinople n’avait fait que s’accroître, se produisirent des faits de rébellion. Encore aujourd’hui, il est difficile d’en discerner l’origine, mais il a toujours été admis qu’ils avaient été provoqués à dessein par le tsar Ferdinand. Il est au moins certain qu’ils servirent ses projets, en lui persuadant que le moment était propice pour les exécuter. Sans se préoccuper de ce que pourraient penser les Grandes Puissances, il entraîna ses alliés, malgré leurs hésitations du dernier moment, et, le 17 octobre 1912, la coalition balkanique déclarait la guerre à la Turquie.

Les grands événemens de cette guerre sont trop proches de