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qu’elle lui reprochait d’avoir été l’instigateur de l’Union balkanique, il allait à Vienne pour faire amende honorable et recevoir l’absolution. Il y était reçu comme l’enfant prodigue. Le Cabinet de Vienne, qui avait favorisé la guerre de 1913 dans l’espoir de voir la Serbie affaiblie et diminuée, lui accordait le pardon qu’il était venu solliciter. On lui exprimait le regret de n’avoir pu lui donner aide et secours pendant cette guerre, ni pendant les négociations de Bucarest ; on s’associait à ses rancunes en les encourageant ; en un mot, on faisait luire à ses yeux les dédommagemens que lui procurerait dans un avenir prochain l’appui de la Triple-Alliance. C’en était assez pour faire de ces consolations et de ces encouragemens la base de la politique nouvelle à laquelle on va le voir s’attacher.

Il apprend avec satisfaction l’assassinat de François-Ferdinand, non pas seulement parce que, comme beaucoup d’Austro-Hongrois, il n’aimait pas l’archiduc-héritier, mais encore parce qu’il espère que de ce tragique événement résultera quelque dommage pour la Serbie. Un mois plus tard, l’ultimatum de l’Autriche, dans lequel il salue le prologue d’une guerre européenne, réjouit son cœur, et tout porte à croire qu’il se fait violence pour ne pas laisser éclater sa joie. Que, dès ce moment, il ait fait des vœux pour que les Austro-Allemands fussent victorieux, cela n’est pas douteux. Mais la prudence lui commande de ne pas laisser éclater ses véritables sentimens. Son trône, un an auparavant, a été trop ébranlé pour qu’il l’expose prématurément à des risques nouveaux ; il assiste impassible aux premiers événemens de la guerre, en affirmant aux belligérans qu’il observera une neutralité rigoureuse. Les premiers revers des Alliés menaçaient cependant d’ébranler ses résolutions ; mais la victoire de la Marne les raffermit. Ni l’entrée en scène de la Turquie, ni la situation presque désespérée de la Serbie à la fin de novembre 1914 ne le font se départir de cette altitude qui est interprétée comme une preuve de sa sincérité. De ce qu’il néglige de se joindre aux ennemis de la Serbie, on tire cette conclusion qu’il n’entrera jamais en conflit avec les Puissances de l’Entente, et que même il pourra un jour s’unir à elles si on lui accorde les avantages territoriaux que réclame son pays.

Cependant, on commence à s’inquiéter lorsque, au mois de février 1915, on apprend que, désirant contracter un emprunt, c’est aux banques de Berlin qu’il s’est adressé. Un écrivain