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manque de pain. Lequel de ces pays sera le mieux en état de supporter cette perturbation de ses conditions économiques ? Il est difficile de le préjuger. » La suite du texte prouve néanmoins que, dans la pensée de l’auteur, ce ne sera pas l’Allemagne.

Il va sans dire que je ne souscris point à toutes ces curieuses opinions, étant personnellement convaincu qu’une décision nette ne pourra être obtenue que militairement, et sur notre front.


Bien que postérieures à celles-ci, les anticipations de Wells n’en sont pas moins saisissantes. Elles constituent moins des prophéties synthétiques que des sortes de visions, tant les détails tactiques, l’emploi et la disposition des engins y sont décrits avec une exacte précision et de vivantes images.

Wells commet d’ailleurs quelques petites erreurs : il attribue notamment une grande importance à la portée considérable du fusil de guerre, qui s’est au contraire trouvée tout à fait inutile et sans objet ; il ne conçoit l’action de l’artillerie que dirigée principalement sur les organisations en arrière du front ennemi, et paraît ne pas apercevoir l’action des gros projectiles sur les tranchées de première ligne elles-mêmes. Mais, à côté de cela, il a aperçu avec une admirable clarté le rôle des aéronefs pour le réglage du tir de l’artillerie à longue portée et pour les reconnaissances. Sur beaucoup d’autres points encore, ses inductions sont véritablement prophétiques. Il semble même avoir prévu les Tanks, lorsqu’il écrit à propos des attaques : « Des machines de combat, cuirassées et roulantes, joueront peut-être ici un rôle considérable… » Sur d’autres points, en revanche, il s’est grossièrement trompé, lorsqu’il écrit notamment, en développant cette pensée avec force argumens : « Malgré tous les stimulans, mon imagination, je dois l’avouer, refuse de concevoir des sous-marins qui fassent autre chose qu’étouffer leur équipage ou s’échouer au fond de la mer. »

Enfin, Wells paraît attendre le succès d’une offensive stratégique, en quoi il diffère du colonel Mayer. Je n’essaierai point aujourd’hui de les départager. En somme, et quelques réserves qu’elles comportent, les anticipations de Wells sont d’une remarquable profondeur, d’une intense vérité.


Ce qui surtout empêche qu’on considère la guerre de tranchées