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constitutionnel de l’État qui fut le dernier à parler et à écrire le latin. Le nouvel Empereur lance des messages à ses alliés, à ses frères les empereurs et rois, à ses cousins les présidens des républiques neutres, des proclamations à ses peuples, à ses armées et à sa flotte. On s’est ingénié, nous ne savons pour quelle cause, à trouver dans ces documens un accent plus original, plus personnel ou plus profond qu’il n’y en a en général dans ce genre de compositions. Mais la vérité, dépouillée de tout ornement diplomatique, est que cette littérature est insignifiante. Charles Ier ou Charles IV peut bien, sous les premiers feux du diadème, promettre et se promettre tout ce qu’il voudra. Ainsi François-Joseph, sortant empereur et roi du palais archiépiscopal d’Olmüitz, sur les débris encore fumans d’une révolution et après l’abdication de l’innocent Ferdinand Ier, jurait avec solennité et, alors, avec sincérité : « Convaincu de la haute valeur d’institutions libérales, nous sommes prêt à admettre les représentans de la nation au partage de nos droits. » Ce serment de fiançailles ou d’épousailles impériales ne l’empêchait pas d’inaugurer, trois mois après, le régime d’absolutisme le plus rigoureux, et de le maintenir, par la prison et par le gibet, jusqu’à ce que les coups de foudre répétés de la guerre d’Italie et de la guerre de Bohême l’eussent contraint à radoucir et à chercher dans la tolérance des peuples le fondement que la fortune de la monarchie lui refusait. Curieuses rencontres de l’histoire ! C’était un prince de Windisch-Graetz qui, comme général, venait, en décembre 1848, de réduire l’insurrection de Vienne; et c’est un prince de Windisch-Graetz qui, en novembre 1916, vient, comme président de la Chambre des Seigneurs, demander à l’Empereur de convoquer sans délai le Parlement. Mais la présente guerre est tout ensemble, et pour l’Autriche plus que pour tout autre pays, la plus grande des guerres et la plus grande des révolutions. Assurer « les droits de la Couronne » n’est rien ou ne serait qu’un jeu ; le problème, que nous croyons franchement insoluble, Ou qui est déjà résolu en sens contraire, par la négation catégorique, par une impossibilité radicale et définitive, c’est de sauvegarder dorénavant « l’intégrité de l’Empire. »

Nous avons fait allusion tout à l’heure à une étude publiée par la Revue, il y a une vingtaine d’années, dans la conclusion de laquelle nous nous efforcions d’établir que « si l’Autriche n’existait pas, l’Europe devrait l’inventer; » et que, « puisque l’Autriche existe, l’Europe doit tout faire pour la conserver,  » étant « intéressée à avoir à son centre, où elle lui pèse infiniment moins, cette éponge de nationalités qu’est