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bâtimens ; dans quelles conditions ; depuis quel point et jusqu’où ? Seul, ou en compagnie d’autres vapeurs de charge ayant la même destination ?… Et que toutes ces questions puissent, doivent même se poser, n’est-ce point déjà la preuve de la nécessité de la particularisation étroite des cas qui s’impose aux autorités maritimes ?

Revenons au procédé escorte. Les mers sont fort dures dans ces parages où l’Atlantique devient tout de suite l’océan Glacial ; l’atmosphère y est inclémente et la température fort basse, même dans ce qu’on est convenu d’appeler la belle saison. Pour ces motifs, il semble indiqué d’éliminer les bâtimens légers, — les « destroyers » par exemple, — comme navires convoyeurs. On poussera au moins jusqu’aux petits croiseurs qui luttent mieux, qui voient mieux et où l’existence est moins pénible. Mais ici une objection d’ordre pratique se présente. Ce transport n’est pas le seul qui prenne la mer ou qui soit sur le point d’atterrir chez les Alliés. Que d’autres qui se sont risqués sur des eaux dangereuses et qui réclament protection ! On ne peut y suffire, car enfin l’intérêt militaire immédiat doit passer avant tout et l’on a tant besoin des croiseurs légers pour constituer les noyaux solides des escadrilles de petits « patrouilleurs » de la mer du Nord, pour exécuter isolément de rapides reconnaissances, pour soutenir les transports d’hydravions, bref pour exercer sur la force navale ennemie une continuelle surveillance, sans parler d’une foule de missions particulières et de la nécessité de fréquens séjours dans les ports, car tout navire « léger » est un navire « délicat. »

Soit ! Il n’est point possible, en effet, de donner à chaque vapeur de fort tonnage, — car, au fond, il n’est question que de ceux-ci, — une escorte particulière. C’était là, déjà, on se le rappelle[1], l’argument de M. Winston Churchill, quand il se défendait devant les Communes d’avoir laissé couler la Lusitania. Et pourtant, il est clair qu’il y aurait lieu de faire un effort spécial en faveur de transports dont le chargement est, vraiment, d’une essentielle importance. Nous voilà donc encore placés en face de la nécessité de catégoriser. Le navire dont nous nous occupons était-il armé, du moins, et « équipé, » de manière à se pouvoir défendre tout seul ? Je l’ignore.

  1. Voyez mon article de la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1915 : « Torpillages : Le Léon-Gambetta, la Lusitania, le Goliath. »