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filet est, en effet, si l’on peut s’exprimer ainsi, disposé au fond du sac, et les Allemands le tendent sans cesse en tirant dessus des deux bords, Krafft von Delmensingen du Nord, le maréchal de Mackensen du Sud, dans le dessein d’y prendre l’armée roumaine en retraite à l’Est, vers l’issue. La courbe, à cette date, est tracée par une série de points : Nord de Sinaïa et de Tzampolung, Ramnicu, Slatina, Islazu, Zimnitza; puis l’espace libre, immédiatement, se rétrécit, au Nord, jusqu’à Curtea de Arges ; au Sud, jusqu’à Alexandria, Mais il semblait qu’il restât aux Allemands à franchir toute une série d’obstacles naturels, une douzaine de lignes d’eaux, plus ou moins encaissées entre des hauteurs, dont plusieurs pouvaient constituer, pour une résistance opiniâtre, de bonnes lignes d’appui. On espérait que l’armée roumaine donnerait ainsi au secours russe, aux contingens annoncés ou signalés un peu partout, le temps d’arriver, de se joindre à elle, et, en union avec elle, de couvrir et peut-être de sauver Bucarest par une bataille en avant de la ville. Un instant, l’espoir prenait forme : des élémens de l’armée Sakharoff passaient le Danube, et, au Sud-Ouest de la capitale, remportaient un premier succès, où ils enlevaient à Mackensen des prisonniers et des canons ; simultanément, des « divisions russes, » disait-on, se montraient dans le camp retranché; et, disait-on encore, « de grandes masses de cavalerie cosaque » traversaient la Moldavie. Au loin, Letchitsky attaquait sur les Carpathes boisées, il s’emparait de Kirlibaba; un front de 300 kilomètres s’enflammait.

Les Allemands ont marché plus vite, et le temps a manqué à ceux qui n’avaient pas eu la précaution de le mettre de leur côté. La principale affaire pour l’armée roumaine, l’affaire urgente est devenue de sortir du sac avant que leurs adversaires en puissent nouer sur eux les cordons et les étrangler. En reculant vers l’Est et le Nord-Est, ils vont à la rencontre des contingens russes, dont la marche est nécessairement retardée par la pénurie relative des voies de communication ou des moyens de transport; et il se peut donc qu’ils recouvrent par cette manœuvre plus de force qu’ils n’en dépensent. Le tout serait de savoir ce qu’elle leur coûte, et nous le savons mal. Nous savons seulement que le ton des communiqués allemands est plus modeste qu’on ne l’aurait attendu. Ils parlent bien sans doute de prisonniers faits et d’artillerie prise, et de trophées, et de butin; pourtant les prisonniers n’y vont que par quelques milliers, et les canons que par quelques dizaines : on n’y voit de montagnes que les amoncellemens de blé, et d’abîmes que les puits de pétrole ; toutes les cloches