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personne en ait pris de l’ombrage. C’est Thérèse seule, sans intervention des siens, qui conduira bientôt la savante et heureuse campagne dont le succès, trois ans plus tard, transformera le libre choix du cœur en union légitime, en lien indissoluble.

Il est temps de nous arrêter à l’homme qui jouera désormais un si grand rôle dans cette histoire et de le faire connaître avec quelques détails.

La famille Le Riche de Courgains, originaire du Limousin, s’était, dans le cours du XVIIe siècle, établie en Touraine. Pierre Le Riche, le grand-père de notre personnage, valet de chambre de la Reine, fut anobli en l’an 1638. Sa femme, Claire de Minquarque, lui avait apporté en dot une terre située près de Chinon, qui avait nom La Pouplinière, c’est-à-dire lieu planté de peupliers, et qui, à dater de ce jour, figura constamment dans les titres de la famille. Le plus jeune fils de Pierre Le Riche, Alexandre Le Riche de Courgains, venu au monde en 1656, fut le premier qui fit une grosse fortune. Successivement receveur des gabelles, puis receveur général des finances pour la généralité de Montauban, enfin, vers l’an 1715, associé dans les baux de la Ferme générale, il avait en outre, dit-on, réalisé d’importans bénéfices dans des spéculations heureuses, puis, plus tard, dans la banque de Law. Quand il mourut, le 10 avril 1735, il laissait à ses six enfans une situation prospère et qui d’ailleurs, pour quelques-uns d’entre eux, allait encore s’améliorer grandement. À ces avantages substantiels, il avait ajouté les joies de vanité, s’étant fait délivrer, en mars 1690, par de nouvelles lettres patentes, une confirmation de noblesse, le titre d’écuyer, et un règlement de d’Hozier, descriptif de ses armoiries : un coq d’argent, posé sur une chaîne d’or et l’œil fixé sur une étoile. Lorsqu’on évêque, parmi ses descendans, celui qui va nous occuper, jamais blason ne fut plus merveilleusement symbolique.

Alexandre Le Riche s’était marié deux fois. Sa première femme, Thérèse Le Breton de la Ronnelière, lui avait donné deux enfans, une fille, qui fut la marquise de Saffray, un fils, Alexandre-Jean-Joseph, qui fut le célèbre fermier général Le Riche de La Pouplinière. La date de sa naissance, ce dernier la rapporte en ces termes : en inscrivant, dans ses notes de voyages, le nom du bourg de Nerwinden, « c’est là, dit-il[1], où

  1. La Pouplinière, par Cucuel, passim.