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plus de 40 kilomètres des positions de la veille, et saisissaient ce nœud de routes. Au centre, ils marchaient de Dobronovtse sur Sadagora, où ils trouvaient un énorme matériel, puis sur Czernowitz et arrivaient au voisinage de la ville. Enfin, à la gauche, près de Bojan, ils attaquaient la ligne du Pruth, pour franchir ce fleuve et prendre Czernowitz à revers par le Sud-Est.

Les habitans de Czernowitz avaient vu se multiplier, depuis le début de juin, les vols d’avions au-dessus d’eux. Le 6, pour la première fois, trois obus russes éclatèrent dans la ville. Puis arrivèrent les familles de paysans et de juifs, qui venaient de l’angle Nord-Est de la Bukowine, traînant leurs meubles, poussant un cochon ou une vache, et parlant de combats meurtriers vers Okna et Dobronovtse. Enfin l’horizon s’alluma ; les villages flambaient entre Okna et Zastavna. Une affiche avertit les habitans que la ville se trouverait sous le feu des Russes à partir du 11 juin. L’exode commença. Le dimanche avant la Pentecôte, les professeurs de l’Université reçurent l’ordre de partir. L’un d’eux, Léon Kellner, a fait à la Neue Freie Presse le récit de ces journées. Il y avait dans le même train que lui des soldats qui arrivaient d’Okna. Ils faisaient des récits unanimes de la supériorité des Russes, qu’ils croyaient vingt fois plus nombreux que les Autrichiens.

Dans la nuit du 17 au 18, les Russes, après avoir passé le Pruth en aval de la ville, arrivaient par le Sud-Est en même temps que par le Nord et entraient à Czernowitz. Les Autrichiens se repliaient, les uns au Sud de la ville, sur les Carpathes, les autres à l’Ouest, sur Sniatyn.


IV

Ainsi, vers la mi-juin, sur cinq armées autrichiennes, deux étaient en pleine déroute. Les armées du centre Bœhm et Bothmer tenaient encore leurs positions initiales ; elles avaient seulement été obligées de replier et d’étendre leurs ailes extérieures : ainsi nous avons vu la droite de l’armée Bothmer refoulée à l’Ouest de la Strypa sur le Zolot. De son côté, l’armée Bœhm-Ermolli qui, au début de l’offensive, avait sa gauche à Dubno, sur l’Ikwa, devait la replier jusque sur le Styr, dans la région de Verben. Seule, l’armée Linsingen à l’extrême Nord n’avait pas été sérieusement engagée.