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éminent, le général Brialmont. La défensive trop bien préparée provoque l’offensive et l’exaspère ; les murailles des places fortes attirent l’obus de 420 comme l’aimant attire le fer. Et comme le projectile finit toujours par avoir raison de tous les blindages, il ne reste à la défensive qu’une seule ressource : déchaîner contre l’assaillant les forces irrégulières, recourir à la guerre de francs-tireurs avec toutes ses atrocités. Ainsi la défensive, et surtout la défensive trop faible, est toujours responsable des procédés sauvages qui deviennent vite usuels chez tous les belligérans : « C’est toujours l’armée qui se défend qui rend la guerre sauvage. Les pacifistes et les neutres effritent miette à miette le droit de guerre et les règles de la guerre. Les États pacifiques, les États faibles font dégénérer la guerre en barbarie[1]. » Cette barbarie tient du reste à un préjugé funeste, d’origine révolutionnaire et démocratique, et d’après lequel le sol de la patrie serait sacré, même s’il n’est pas allemand[2]. Si l’envahisseur a tort, ce qui ne parait pas évident à notre auteur, tous les moyens deviennent bons pour le repousser. « L’idée que l’ennemi n’a pas le droit de pénétrer dans le pays, que tout doit être mis en œuvre pour l’en empêcher, fait paraître saints tous les procédés, ceux mêmes de la ruse et du crime[3]. » On croirait entendre la fable du Loup et de l’Agneau !

Pour la sécurité des armées allemandes, il eût été préférable, en effet, que les populations imbues de tolstoïsme leur ouvrissent les bras, persuadées qu’on ne doit point résister au méchant. Au contraire, une superstition néfaste a excité chez les Belges toutes les mauvaises passions. On sait d’ailleurs, continue L.-D. Frost, que l’âme belge est féroce ; une visite au musée de Bruxelles suffit à convaincre l’observateur : nulle part on ne trouve réunies pour le plaisir des yeux tant de scènes cruelles : bastonnades, yeux crevés, supplices et martyres de toute espèce. « Il semble que sur ce pays passe un souffle d’Afrique dont les ethnologues trouveront peut-être un jour l’explication, et qui a poussé l’élite belge à se rattacher à notre culture[4]. »

Peu importe que les prétendus crimes des francs-tireurs

  1. Art. cit., p. 1592.
  2. Il va sans dire que L.-D. Frost ne cite pas la fameuse ordonnance sur le Landsturm du 21 avril 1813.
  3. Art. cit., p. 1592.
  4. Ibid., p. 1593.