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revendications légitimes, tout est oublié ; il n’aspire plus qu’à servir. Il jure, dans sa bonne volonté, de ne plus rêver d’autre rêve que celui de la Grande Allemagne. Il se remettra à l’école. Il apprendra l’histoire et la géographie, cette fameuse « géographie appliquée » (Angewandtc Geographie) où l’univers tourne autour de Berlin pris comme centre. On rougira désormais d’adopter des modes du dehors, de lire des romans français ou anglais, de s’intéresser à des manifestations d’art étrangères. On ne voyagera plus que pour prendre des notes sur les mœurs et le génie des autres peuples, considérés dans leur rapport avec l’Allemagne et selon le degré d’intérêt qu’ils présentent pour l’Empire allemand. On formera peu à peu un vaste réseau de femmes allemandes qui dans ses mailles enserrera l’univers ; on y affiliera tout ce qui peut exister déjà en fait de groupemens professionnels ou corporatifs. Une large franc-maçonnerie de femmes allemandes organisera un échange incessant de renseignemens, de conseils, de secours sur tout le globe. Le tout à la plus grande gloire et pour le plus grand profit de l’idée allemande à travers le monde[1].

Telle sera l’action de la femme allemande au dehors. Au dedans, tout en attisant cette « bonne haine » dont elle veut garder claire la flamme, elle travaillera à former une génération de jeunes Weltpolitiker convaincus. Munie de sa mappemonde et d’un traité d’ethnographie, elle inculquera aux enfans la foi dans la mission exceptionnelle du germanisme sur la terre. « La génération montante qui réalisera la Weltpolitik de l’avenir doit apprendre dès le jeune âge à ne considérer l’Empire que dans son rapport avec la carte du monde[2]. »

A quoi vont désormais rêver les jeunes filles et les femmes d’Allemagne ? À ces questions que L. Niessen-Deiters énumère : « Pourquoi Constantinople est-elle le pivot de la politique européenne ? Quelle importance avait pour nous le Bagdad ? Que signifiait pour l’Empire la possession du riche hinterland de Tsing-Tao, et où notre commerce trouvera-t-il au monde une compensation honnête et légitime[3] ? » Les femmes contribueront ainsi à élever leur peuple au rang de « peuple mondial, » de Weltvolk.

Il appartenait à Lily Braun d’aller plus loin encore dans

  1. Frauen und Welpolitik, p. 18-19, p. 21-22.
  2. Frauen und Welpolitik, p. 18-19, p. 21-22.
  3. Ibid., p. 24.