Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pierre Leroy-Beaulieu habitait une partie du château, aménagée pour lui, pour sa femme et ses nombreux enfans. S’il était quelquefois inexact aux repas et aux départs, chacun le lui pardonnait aisément, tant il apportait avec lui, dès son arrivée, trop tardive il est vrai, de gaieté franche et simple, de jugement pénétrant sur les choses présentes et d’autrefois, toujours clair, énergique, habile à la riposte dans le choix de ses argumens, parce qu’il était remarquablement instruit. Je ne parle pas de ses mérites d’écrivain, ni de sa science, ni de l’expérience que ses voyages lui avaient acquise, ayant eu l’honneur de faire un rapport à ce sujet lors de sa candidature de 1912 à l’Académie des Sciences morales et politiques, qui lui donna un nombre très honorable de voix.

Tels étaient les hôtes habituels, ou plutôt les châtelains anciens, présens ou futurs de cette demeure accueillante, dont les pauvres de Lodève connaissaient bien le chemin, et où notre illustre ami, entouré de sa famille[1], libre de consacrer ses journées au travail, connut certainement le bonheur.

Aujourd’hui, hélas ! tous ceux que nous venons de nommer ont disparu, coup sur coup. Dans une petite chapelle, non loin du parc, leurs dépouilles mortelles se trouveront réunies ! C’est le destin, dira-t-on. Sans doute la mort rentre dans notre destin., Cela, Paul Leroy-Beaulieu ne l’ignorait pas, car, en passant sur la route de Lunas, qui côtoie la petite chapelle, nous l’entendions murmurer bravement : « Il y a là un caveau qui m’attend ! » Tout était prêt chez lui, et en lui, pour ses fins dernières. Mais est-ce le destin de voir sa compagne, plus jeune que soi, rompre prématurément et pour toujours des liens d’aide et de confiance mutuelles, resserrés par quarante-deux ans d’union ?

Il quitta alors l’hôtel de l’avenue du Bois-de-Boulogne, aliéné, d’ailleurs, après la mort de Mme Michel Chevalier, survenue en janvier 1913, hôtel longtemps témoin des belles réceptions auxquelles la haute société de Paris se rendait en foule chaque, hiver, et dont le maître de la maison considérait comme un devoir de sa situation de faire les honneurs aux savans étrangers, ses amis, qui traversaient la capitale Paul Leroy-Beaulieu s’installa à l’avenue Henri-Martin, avec sa chère fille et son gendre M. Maxime Renaudin,

  1. Paul Leroy-Beaulieu laisse quatorze petits-enfans, dont cinq garçons perpétueront son nom.