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professeur de chirurgie, écrit-elle le 23 avril, demanda après moi hier, étant en route pour Sainte-Hélène… Le professeur m’apporta une lettre de lord Dillon à Florence. » Antommarchi n’avait point cette fois perdu de temps ; mais il demeura près de trois mois à Londres, tant il était occupé à soumettre aux uns et aux autres, aux ministres, aux médecins, aux dames, le grand ouvrage dont il était selon les uns l’éditeur, selon les autres le continuateur.

Le 20 septembre 1819, après que dix-huit mois se sont écoulés depuis la demande de l’Empereur, ceux qu’il attend avec tant d’impatience arrivent enfin. Il a compté sur un soulagement pour l’esprit et pour le corps. On lui envoie un prêtre aux trois quarts paralysé, un intrigant ignare et présomptueux, prêt à le traiter en camarade, déterminé à ne pas croire à une maladie qu’il tient pour politique, et qui entre à Longwood sortant de dîner chez le gouverneur, à Plantation House : telle a été sa première visite. L’Empereur ne se soucie guère de le recevoir et, avant de l’introduire, le grand maréchal lui fait subir un interrogatoire sur faits et articles, peu décisif encore ; car nul n’est fixé sur la nationalité de l’individu, moins encore sur ses aptitudes ; quant au tact, la question est résolue. Comment Bertrand ne remarque-t-il point du premier coup que ce prétendu Français ne parle point le français ? Seulement il parle l’italien, tandis que Vignali, dont on dit qu’il a étudié à Paris et à Rome, est un pâtre auquel le patois corse est seul familier. D’ailleurs une ignorance de toutes choses qui parfois égaie… Buonavita, lui, est aphasique. Tel est l’étonnant trio que Fesch envoie.

Au moins il y avait le maître d’hôtel et le cuisinier : c’étaient de braves gens, qui parlaient français ; mais le cuisinier était affecté de rhumatismes qui se développèrent avec une telle intensité qu’il dut bientôt demander son rapatriement ; quant à Coursot, ancien domestique du grand maréchal Duroc, il avait toutes les vertus, sauf qu’il ignorait entièrement ce qui était du service d’office, même faire du café.

L’Empereur pouvait d’autant moins « se contenter avec les personnes que lui avaient envoyées sa mère et son oncle qu’aucune n’était en état d’écrire le français qu’elles parlaient à peine. » « Je doute, écrit Montholon à sa femme, qu’elles sachent autant de français que toi d’anglais. Ce qui est du