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GASTON DARBOUX.

plusieurs de ses mémoires ont été approfondies par d’autres plus que par lui-même ; toutefois, c’est par le souci de la perfection que se distingue la plus grande partie des travaux de l’illustre mathématicien qui aimait le plus souvent à tirer d’une méthode tout ce qu’elle peut fournir, et dont les traités didactiques sont des œuvres d’art dignes d’être proposées comme modèles à ceux qui cultivent les sciences mathématiques. Nul ne savait mieux que lui montrer combien peut être féconde l’étude approfondie d’un cas simple. C’est qu’en effet on ne parvient le plus souvent au général que par le particulier ; comme aimait à le répéter Hermite, la méthode d’invention est au fond la même dans les sciences mathématiques et dans les sciences d’observation. Darboux excellait aussi à établir des rapprochemens inattendus entre des questions regardées jusque là comme distinctes, ce qui donne à son œuvre, notamment en géométrie infinitésimale, une grande cohésion et une impression de solidité et de force.

Étant encore élève à l’École normale, Darboux avait fait la découverte d’un système triple orthogonal formé de surfaces du quatrième degré. Il est revenu souvent par la suite sur les systèmes triples orthogonaux, c’est-à-dire les systèmes formés de trois familles de surfaces se coupant à angle droit, qui, depuis Lamé, offrent un grand intérêt en physique mathématique. En 1873, il rassemblait toutes ses recherches de géométrie analytique dans un ouvrage sur une classe remarquable de surfaces algébriques et la théorie des imaginaires, qui contient un grand nombre de résultats remarquables. C’est là qu’on trouve pour la première fois une interprétation dans l’espace ordinaire de la géométrie non euclidienne, qui a été souvent utilisée dans des études philosophiques sur les divers espaces.

Dans cette période, entre 1870 et 1880, l’activité scientifique de Darboux fut prodigieuse. Ses travaux en analyse pure ne furent pas moins remarqués que ses travaux géométriques. Il faut au moins mentionner un mémoire extrêmement original sur l’approximation de fonctions de grands nombres, qui se présentent dans tant d’applications des mathématiques, notamment en mécanique céleste. Un autre travail d’une importance capitale concerne les équations aux dérivées partielles du second ordre ; il va bien au delà des méthodes célèbres de Monge et d’Ampère.