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esprit encyclopédique, comme nous n’en avons, malheureusement, plus guère : ouvrages de vulgarisation, dont quelques-uns, son Initiation philosophique, son Art de lire, sont de petits chefs-d’œuvre ; portraits biographiques et monographies ; études littéraires, politiques, sociales, philosophiques ou morales… Et assurément, dans tout cela, il y a quelques pages un peu hâtives; mais il n’y en a pas une qui soit insignifiante ou médiocre, pas une où il n’y ait quelque chose à prendre. Et voilà qui est merveilleux. Je ne crois pas qu’il existe, et en tout cas je ne connais pas un autre exemple d’égale fécondité intellectuelle.

Il ne saurait être ici question d’analyser et de discuter tous ces écrits. L’avouerai-je d’ailleurs ? Si intéressans et suggestifs que soient, en eux-mêmes, les essais politiques et littéraires qu’a multipliés Emile Faguet en ces dernières années, il ne me semble pas qu’ils soient de nature à modifier l’idée qu’auparavant nous pouvions déjà nous former de son tour d’esprit et de son talent. Qu’on veuille bien ne pas se méprendre sur ma pensée. Certes, je goûte et j’apprécie comme il convient le Culte de l’incompétence... et l’Horreur des responsabilités, et j’aurais vivement souhaité que ces vives et spirituelles satires de notre démocratie contemporaine ne fussent pas l’expression même de la juste réalité. Mais ces deux ouvrages n’étaient-ils pas comme contenus en germe dans le livre sur le Libéralisme et dans les Problèmes politiques du temps présent ou les Questions politiques ? De même, on ne pensera jamais trop de bien du joli volume d’Émile Faguet sur Madame de Sévigné, de son vivant et ingénieux La Fontaine, surtout peut-être de son très beau Balzac, que d’excellens juges préfèrent à celui de Brunetière et à celui de Taine ; mais ce sont là des sujets que l’infatigable critique avait déjà traités dans des articles, et même dans des livres; et, pour les traiter à nouveau, il n’a changé ni sa méthode, ni son fonds d’idées générales. Pareillement enfin, les cinq volumes qu’il a consacrés à Rousseau, à l’occasion du bicentenaire, sont extrêmement curieux et tout foisonnans d’idées ; mais ils n’ont pas fait oublier, sur le même sujet, l’admirable étude de son Dix-huitième siècle. Bref, tous ces ouvrages développent, complètent, prolongent l’œuvre et la pensée d’Émile Faguet ; ils ne la renouvellent pas ; ils n’en manifestent pas un nouvel aspect. Et l’on pourrait, à la rigueur, les ignorer