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Heidenstam, lui, a combiné les deux élémens. S’il est romantique par beaucoup de points, son goût, la forme de son art, son amour de la joie saine et humaine sont purement classiques. Il y a chez lui un vrai et profond sentiment de ce qu’il doit à la France. Et cette reconnaissance a contribué à maintenir chez lui, dans l’attitude réservée qu’il a gardée pendant cette guerre, des sympathies françaises, tandis que la plupart de ceux qui avaient adopté ses idées prenaient parti trop ouvertement pour l’Allemagne.


La poésie de Verner de Heidenstam, c’est un rayon dansant qui se pose sur la surface d’un lac, c’est le son clair d’un grelot d’argent dans l’atmosphère glacée d’un jour d’hiver, c’est le froissement de deux épées qui se choquent. Nature ardente, concentrée, plus capable des transports qui éclatent que de l’enthousiasme qui se prodigue, il ne se répand jamais en beaucoup de paroles. Il n’est point un mélancolique. Rien de ce qui est alangui ne lui convient. il regarde la souffrance en face ; il veut qu’on l’accepte en la dominant, comme un maître et non comme un esclave. Il n’attache de prix qu’aux forces morales. Il ne connaît pas l’attendrissement ; mais il y a dans son œuvre de la bonté et, quand il veut rendre heureux les êtres qu’il crée, il sait leur donner la paix intérieure. Ce n’est pas un poète de l’amour. Le culte des ancêtres se confondant avec celui de la gloire et de la grandeur nationale a suffi à enflammer la passion de son cœur. Et, par une fusion harmonieuse, il arrive à unir ces deux choses en apparence contradictoires, l’exaltation de l’individu et son immolation par le sacrifice, où il trouve seulement son plein épanouissement, à la communauté de la patrie.


JACQUES DE COUSSANGE.