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dans une mesure compatible avec les intérêts généraux de la navigation. Jusqu’ici, l’embarquement des sujets coloniaux français avait été violemment combattu par les syndicats métropolitains sous prétexte que des fraudes étaient à craindre dans la qualification des marins de couleur. Mais, si ces derniers ne se présentent pas toujours porteurs de pièces en règle pour attester leur nationalité, l’Administration est responsable de cet état de choses, car elle ne crée pas dans toutes nos possessions une organisation donnant à ses administrés la possibilité d’établir la preuve de leur état civil. Il y a là une lacune à combler le plus tôt possible pour résoudre cette controverse qui peut avoir sur les destinées de notre marine, une grave répercussion. Il sera bientôt impossible en effet d’alimenter nos chaudières, si l’on se passe du concours des soutiers indigènes. D’un autre côté, le recrutement des garçons de service devient de plus en plus malaisé. Faisons donc appel aux Annamites, puisque nous ne trouvons pas en assez grand nombre chez nous de bons agens pour faire face à ce service.

Les inscrits semblent ne plus contester l’équité de cette introduction des indigènes français à bord de nos vaisseaux. Ici encore, la guerre a changé bien des choses. De tous les points les plus reculés de notre vaste empire, outre les habitans de nos vieilles colonies, des hommes sont accourus pour défendre la mère patrie : le sang des Algériens, des Tunisiens, des Marocains, des Sénégalais, des Malgaches, des Tonkinois s’est mélangé avec celui des inscrits, sur le champ de bataille de l’Yser ou dans les plaines marécageuses du Vardar. Serrons donc les rangs autour du drapeau tricolore en vue du bon combat économique sur tous les marchés du monde. Que les préjugés de race s’effacent devant l’intérêt supérieur du pays et que le pont des navires devienne aussi hospitalier à nos sujets coloniaux que le furent les cantonnemens glorieux de la Marne ou de Salonique.

Il y aurait, sur la constitution légale de l’équipage, d’autres observations accessoires à présenter. Il faudrait d’abord dénoncer l’étroitesse de notre réglementation relative aux brevets et fonctions des capitaines et officiers qui est une cause perpétuelle d’entraves dans l’exploitation des navires français et qui manque de la souplesse nécessaire pour s’adapter aux contingences de l’Industrie maritime. Pour sauvegarder l’amour-propre des