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Je suppose enfin que notre navire, muni de tous les sacremens, a obtenu son congé. Son propriétaire ne va pas le livrer à la fureur des flots sans l’assurer contre les risques de toute nature qui l’attendent au large : risques de mer, risques de guerre. Ne parlons pas des premiers. Pour les seconds, la loi du 10 avril 1915, en modifiant les règles de l’assurance d’Etat contre le risque de guerre, a supprimé le taux maximum de 5 pour 100 qui était anciennement prévu ; aucune limite n’étant plus assignée aux « cotations » de la Commission exécutive. L’exposé des motifs de la loi nouvelle a justifié cette mesure par l’augmentation des risques de guerre et ce fait ne saurait être nié. Mais on a perdu de vue le but essentiel pour lequel l’assurance d’Etat contre le risque de guerre a été établie, et qui est de permettre la navigation en dépit de la campagne sous-marine.

Une conséquence de l’élévation des taux de l’assurance d’Etat fut de détourner certaines cargaisons de notre pavillon. Le trafic des soies d’Extrême-Orient, dans lequel nos Compagnies avaient toujours conservé une supériorité marquée, leur a été enlevé en grande partie depuis la guerre, parce que les expéditeurs de soie font assurer leurs marchandises plus avantageusement par l’assurance d’Etat anglaise. Ce résultat est d’autant plus choquant que si, sur un point particulier, le taux d’assurance de l’Etat français était préférable au taux de l’assurance du Board of Trade, les marchandises n’en seraient pas pour cela détournées au profit du pavillon tricolore. En effet, si la loi française a prévu que la garantie s’étendrait indistinctement à tous, alliés ou neutres, l’assurance anglaise a été établie pour la seule protection du pavillon britannique. Cette disposition a donc tourné au détriment des armateurs français, puisque leurs collègues ont la faculté de choisir l’assurance la plus avantageuse sans que la réciprocité soit admise en notre faveur.

De tels inconvéniens ont conduit notre gouvernement à déposer un nouveau projet de loi organisant l’assurance d’Etat « obligatoire » contre le risque de guerre, en vue d’éviter l’arrêt du trafic. Ce projet est venu en discussion devant la Chambre, le 13 mars 1917 ; il a été voté, mais sans fixation de maximum et avec un amendement de M. Cadenat étendant l’assurance obligatoire à « la cargaison » des navires. Il est heureux que le