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Pétrogradskaïa-Stérana, deux des quartiers les plus populeux de Pétrograd. Des batailles incessantes se livrent entre la police et la foule qui a trouvé des armes à l’Arsenal. Un général a été assassiné devant l’hôtel de l’Europe. On dit que le général Rouzsky est attendu à la Douma, porteur de propositions de la part de l’Empereur. Je crains bien qu’il ne soit trop tard.

M. Michel arrive, alors que déjà je ne l’attendais plus. Les révolutionnaires assiègent le Palais d’Hiver. Il a, en passant, pris part à l’attaque.

— Je suis sorti de chez moi, dit-il, à une heure de l’après-midi. La 11e ligne de Vassiliewsky-Ostrow est calme. Les magasins ont mis leurs volets ou baissé leur rideau de fer. L’ordre est maintenu par des patrouilles du 180e régiment d’infanterie resté fidèle. Grâce à mon uniforme, on me laisse traverser les ponts.

« Sur la rive gauche de la Neva, le jardin Alexandre est fermé ; l’Amirauté est gardée par des troupes fidèles. Vers la Morskaïa, cris et coups de feu. Ils partent du fond des rues qui avoisinent la Newsky. En face du théâtre Alexandre, alerte. Les Cosaques arrivent. Aussitôt on entend le tac-tac des mitrailleuses. C’est la police qui tire des toits contre les Cosaques insurgés. Tous s’enfuient, sauf un, abominablement ivre. Il menace de son fusil des groupes qui stationnent sur le pont Anitchkoff, tire quelques coups en l’air, puis part au galop pour ne s’arrêter que devant le théâtre. Là, il mot pied à terre et court embrasser ceux qu’il menaçait tout à l’heure !...

« Quelques pas plus loin, cinq officiers me conseillent de me joindre à eux et de revenir sur mes pas, car la foule désarme et malmène tous les officiers. A nous six, nous formons un groupe assez imposant. Comme nous ne voulons ni rendre nos armes à la foule ni nous en servir contre elle, nous décidons de les confier à quelqu’un. La porte à laquelle nous frappons s’ouvre craintivement ; mais, dès les premiers mots d’explication, on nous accueille avec joie. Nous quittons nos sabres, nos revolvers... et nous repartons, désarmés.

« Je voulais absolument aller jusqu’à la Litiény où les scènes les plus terribles se déroulaient. De nouveau, au pont Anitchkoff une fusillade éclate et j’entends siffler les balles. Un homme s’affaisse à quelques pas. Je traverse le pont en courant et