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montagnes devant la formidable barrière des fronts défensifs, ne suffisent pas à la renverser. Canons et munitions sont des accessoires ou des aides indispensables, mais le principal ouvrier sera toujours le fantassin. Dans son emploi selon des procédés inédits se trouve le secret des victoires décisives, et le sort des prochaines campagnes dépendra de l’endurance des gens de pied plus encore que de l’ardeur des cavaliers ou de la robustesse des tanks. Certes, les partisans de la théorie des pesées latérales et successives n’ont que dédain pour les admirateurs rétrogrades des maximes napoléoniennes et pour les rêveurs qui cherchent leur adaptation au temps présent ; mais les uns et les autres finissent par tomber d’accord pour voir dans la « guerre de mouvement » la conclusion logique et désirable de la rupture du front occidental.

Or, cette « guerre de mouvement, » où pouvait-on mieux qu’en Orient lui demander la fin de la guerre ? Dans les pays balkaniques tourmentés, où les chemins de fer rares et les routes mauvaises rendent difficiles les gros rassemblemens de troupes et les énormes transports de matériel, les forces ennemies. ne pouvaient être, croyait-on, protégées par les vastes réseaux barbelés, ni rendues invulnérables par les abris à l’épreuve, ni pourvues de tous les engins perfectionnés qui rendent indispensable une préparation longue et coûteuse où la méthode, la minutie et la richesse du praticien militaire sont plus efficaces que la variété des combinaisons de l’artiste guerrier. A travers les montagnes, au long des vallées, par les défilés et les cols, les stratèges des bureaux de rédaction et d’ailleurs, coupaient, tournaient, enveloppaient : les armées bulgares étaient contraintes à capituler ; entre les Austro-Allemands et leurs alliés de Sofia et de Constantinople on faisait glisser nos forces déchaînées, et l’on acculait Berlin et Vienne à la famine par l’occupation des greniers de Hongrie. Il y eut ainsi, en Occident, pendant plusieurs mois, une foule de Pyrrhus qui trouvaient pour écouter leurs plans de campagne une foule plus considérable encore de complaisans Cinéas. Après avoir été longtemps considérée comme une cousine pauvre, l’armée d’Orient semblait promise au rôle brillant d’ « aile marchante » du front européen.

« Ah ! vous partez pour Salonique ! vous avez de la chance, car vous arriverez à point pour faire la guerre de mouvement ! » disaient volontiers au nouvel élu, avec un soupir d’envie, ceux