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UN ÉTÉ À SALONIQUE
AVRIL-SEPTEMBRE 1916

III [1]


I


Mai 1916.

Je suis allée, l’autre dimanche, au camp des réfugiés de Lembet, où l’on devait célébrer six mariages. Les femmes, se rappelant ma visite, m’avaient fait demander, par le docteur P... de revenir les voir et d’assister à la fête nuptiale. J’avoue que la température anormale et l’épouvantable poussière m’ont effrayée... J’ai attendu la dix-septième heure pour partir, et mal m’en a pris, car j’ai manqué la cérémonie religieuse et suis arrivée au moment des danses.

J’ai donc revu le « coron » de briques, dans son affligeante laideur, au bord de la route ravagée. Un soleil jaune donnait à tout le paysage des camps et des collines la patine ambrée d’un tableau de Claude Lorrain, Dans un grand espace à peine nivelé, taché d’herbe flétrie, quatre rondes tournaient, au son des flûtes, des violons et des clarinettes, sur un air mineur qui ressemblait un peu à notre bourrée. La foule des parens et des amis faisait cercle et contemplait les danseurs. Ceux-ci, hommes et femmes, se tenant par leurs bras entre-croisés, sans un sourire

  1. Voyez la Revue des 15 janvier et 1er avril 1917.