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au cours d’une conférence sur l’effort de Paris : « Nous l’aimons, ce peuple représentatif de toute la vie française, ce peuple qui, dans les momens les plus tragiques, s’est toujours montré à la hauteur des événemens et qui sut résumer à travers une glorieuse histoire tout l’esprit, tout le courage de la noble race de France. » Pendant le siège, Hugo a vu les femmes de Paris endurer stoïquement toutes les privations, la faim, le froid, les stations frissonnantes au seuil des boucheries, tandis que l’enfant est sans pain et l’âtre sans flammes ; il a vu les pères, les maris, les frères de ces femmes résolus à mourir « pour que la France vive. » Son admiration, il l’a criée dans ses vers :


O ville ! tu feras agenouiller l’Histoire,


dans la prose de son appel aux Français : « Que l’Europe s’attende à un spectacle impossible ; qu’elle s’attende à voir grandir Paris ; » dans celle de son discours aux obsèques de Paul Meurice : « Vénérons ce Paris qui a produit de telles femmes et de tels hommes. Soyons à genoux devant la cité sacrée. » Qui de nous, se rappelant le Paris de la mobilisation, et la veillée des armes, et la subite communion des âmes, de toutes les âmes, ne ferait sienne cette formule d’un raccourci si expressif : « Le formidable est sorti du frivole ? » Et la pièce Le Parisien du Faubourg [1], à la lueur des événemens d’hier, a-t-elle rien perdu de sa justesse et de sa vérité ? Oui, le Parisien déconcerte l’observateur superficiel. Il a des insouciances d’enfant, une âme changeante, de subites violences et des gaités inattendues. Mais vienne le péril, la menace étrangère, il se lève soudain, une flamme dans les yeux, grandit et se transfigure, et achève sa chanson par ce cri ; « Léonidas ! »


L’œuvre de Victor Hugo, et on ne l’a pas assez dit, est le plus riche répertoire de formules patriotiques que nous offre notre littérature. Elles ont le relief des médailles neuves et le luisant des épées. Elles traduisent nos plus nobles raisons d’agir, le principe même de notre action présente, la valeur du sacrifice accepté, la mort payée de la gloire, tout le meilleur de l’homme

  1. Les Quatre Vents de l’Esprit, t. II, 51.