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l’Est de Glorizia et du torrent Vertoibizza. Les crêtes du Mont Cucco et du Vodice étaient ; successivement emportées, tandis qu’à l’aile gauche, une colonne, franchissant l’Isonzo, s’emparait de Bodrez. Au bout de la seconde journée, le 15 mai, on avait déjà dénombré 3 375 prisonniers, dont 98 officiers ; et ce chiffre s’élevait définitivement, le 17 au soir, à 6 432 soldats, 143 officiers ; quant au matériel, on n’avait pas eu le temps de le compter ; on pouvait annoncer pourtant une batterie de canons de montagne, cinq autres canons de petit calibre, deux canons de 105, deux mortiers de 149, des lance-bombes, une trentaine de mitrailleuses et un riche butin en armes et en munitions.

Le mont Cucco représente assez bien, au bord de l’Isonzo, ce que représentait chez nous, au bord de la Suippe, le massif de Moronvilliers, ou, au-dessus de la vallée de l’Ailette, le plateau de Vauclerc et de Heurtebise : l’imagination des hommes, arrêtés devant lui et hypnotisés sur sa cime pendant très longtemps, le tenait pour inexpugnable : c’était une espèce de mont interdit ou maudit, qu’on n’escaladerait et ne passerait jamais ; quatorze mois durant, on l’avait miné, creusé, percé de cavernes et de cheminemens ; à présent qu’on était là-haut, et que, de là-haut, on commandait toutes les vues, on exprimait la joie de le posséder par ce soupir de soulagement : « la fin d’un incube ! » Cependant les Autrichiens, eux aussi, tentaient des diversions de plus en plus puissantes, mais à l’autre extrémité de l’arc, dans le Trentin, vers Rovereto et le Pasubio. Cette réaction était si indiquée, et d’une stratégie si élémentaire, qu’ils ne pouvaient vraiment espérer y prendre un chef de l’expérience du général Cadorna, qui ne s’en émut guère, parce qu’il l’avait prévue et que, l’ayant prévue, il y avait paré. Il riposte triomphalement, en enfonçant les lignes autrichiennes sur le Carso et en faisant de ce coup 9 000 prisonniers. C’est fêter avec gloire l’anniversaire du 24 mai.

Sur le front italien comme sur le front anglais et sur le front français, l’offensive a donc réussi ; les contre-offensives ont échoué ; les situations se font pendant exactement ; partout, l’Entente a le meilleur, et l’on peut conduire le parallèle au moins jusqu’au moment où le sens politique intervient pour exploiter l’avantage acquis par l’art militaire. Car on pense bien que ce n’est point en Italie que l’esprit politique se trouve en défaut, et que les mots faiblissent jusqu’à intervertir les choses. L’occupation du Vodice, de la cote 652, entre le Monte Cucco et le Monte Santo, la prise de Jamiano, ont été pour les Italiens de grands succès ; ils ont dit tout haut et tout bas, mais d’une commune voix, que c’étaient de grands succès. Et ils n’ont pas