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pour vaincre le mauvais vouloir du gouvernement ottoman et il espérait obtenir de même l’appui de l’Allemagne. A cet égard, le prince de Bismarck pouvait seul décider, mais il n’avait pas jugé utile de se déranger pour la visite princière et était resté à Varzin. On lui fit part télégraphiquement de la requête du Roi et il répondit qu’il s’associerait volontiers à toute démarche des Puissances, tendant à agir en Turquie pour que leurs intentions ne fussent pas plus longtemps méconnues.

II ne semble pas que la politique ait tenu une plus grande place dans les entretiens de Christian IX avec Guillaume Ier, ni qu’il y ait été fait allusion à la crise antérieure. Ils ne souhaitaient ni l’un ni l’autre revenir sur des sujets irritans. Cependant, rentré à Copenhague, le Roi racontait qu’il avait trouvé l’Empereur et la famille impériale encore sous l’impression des récens attentats de Hœdel et de Nobiling, très inquiets des progrès que le socialisme faisait en Allemagne et du rapide développement des passions anarchiques. Au total, ils s’étaient séparés enchantés l’un de l’autre, le prince danois ne redoutant plus un retour offensif de l’Allemagne et le prince germanique satisfait d’avoir désarmé le petit voisin dont le ressentiment, bien qu’il n’eût rien à en craindre, avait laissé jusque là planer un nuage sur leurs relations et parfois peut-être éveillé dans sa conscience un remords tardif.

« Un mécontent de moins, » pouvait-il dire en se frottant les mains et en se réjouissant du succès de son. système, succès encourageant, et qui ne pouvait que l’inciter à persévérer dans cette voie.

La guerre de 1864 et l’annexion des duchés de l’Elbe à la Prusse lui avaient laissé un autre ennemi, impuissant à nuire celui-là, mais ennemi tout de même ou tout au moins mécontent et boudeur. C’était le prince Christian d’Augustenbourg qui, reniant le renoncement de son père à la couronne de Danemark, consenti par celui-ci en 1852, s’était, en 1863, déclaré candidat à la succession du Schleswig-Holstein, bien qu’elle ne fût pas vacante. En Allemagne, l’opinion, déjà très excitée contre le Danemark, s’était montrée favorable à cette prétention et peut-être eût-elle été suivie d’effet sans l’intervention de Bismarck. Prévoyant que les duchés seraient détachés tôt ou tard des Etats danois, il pensait que c’était là pour la Prusse une occasion inespérée de se les annexer. Il opérerait d’abord de concert avec