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Foulzy... vous en trouverez là... La patrouille vient de passer. Point de danger que vous la rencontriez... »

Les bonnes pourvoyeuses suivent le conseil. Foulzy est loin et la pluie redouble. N’importe, elles continuent de marcher. Voici Foulzy. « Qui donc nous a répété que, depuis l’occupation, les villages français sont tenus selon les règles de l’hygiène, de la propreté ? Foulzy fait exception. Des tas de fumier sont amoncelés tout le long de la rue. Le purin coule... Nous sautons de pierre en pierre pour ne pas laisser nos souliers dans la boue. Nous frappons à une porte, à une autre... pas de réponse. Le village paraît désert. Enfin, nous apercevons une femme sur le seuil de sa maison :

— Des œufs ! Ah ! bien, vous tombez mal ! Tous ont été portés à la Kommandantur ce matin.

Nous sommes navrées. Nos compagnes nous attendent et nous allons rentrer bredouille ! Un mioche nous regarde, qui mord dans son pain :

— Petit, ta mère est là ?

— Non.

— Elle a des œufs ?

— Non.

— Tu ne sais pas où j’en trouverai ?

— A la petite porte brune, là-bas.

Je frappe à la porte. J’entre. En haut d’un escalier, une espèce d’échelle, paraît une vieille, débraillée, ni peignée, ni débarbouillée. Je répète ma question.

— Combien vous en faudrait-il ?

— Tout ce que vous pourrez me donner.

La vieille descend, ouvre un buffet, en sort une corbeille : et je compte avec elle jusqu’à vingt-huit !

— Qu’est-ce que je vous dois ?

— Deux sous l’œuf.

C’est insensé de bon marché ! A Lille, un œuf m’aurait coûté soixante-quinze centimes.

Nous partons. A chaque détour du chemin, nous guettons pour voir si la patrouille ne paraît pas... Pas de patrouille. Nous arrivons à la maison. Nous sommes trempées, fourbues, crottées, mais nous rapportons de quoi manger. »