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des entreprises, des menaces de l’Allemagne. L’Asie comme l’Afrique, l’océan Pacifique comme l’océan Indien, nous offrent l’image, nous donnent par avance la saveur de ce que seront l’univers et notre vie lorsque l’emprise et la tyrannie allemandes en seront définitivement éliminées.


I

Au commencement de l’été de 1914, quelques semaines avant que l’Allemagne ne provoquât et déchaînât la guerre qui depuis trois ans ensanglante l’Europe, la situation de l’Extrême-Orient pouvait être décrite ainsi qu’il suit.

En Chine, après deux ans et demi de péripéties et de luttes, le président Yuan-che-Kai, ayant triomphé de ses adversaires de gauche et des partis qui avaient essayé de soulever contre lui les provinces du Sud et de la vallée du Yang-tse, était le maître de la République issue de la révolution de 1911. Soutenu par les généraux, par le haut mandarinat, par les Puissances étrangères qui l’avaient reconnu au mois d’octobre 1913, et lui avaient assuré le concours financier sans lequel il n’eût pu vivre, il avait graduellement substitué à la constitution révolutionnaire sortie des délibérations du premier Parlement de Nankin et aux Chambres législatives dont l’opposition lui faisait obstacle un régime autocratique et personnel comprenant, outre la Présidence, le Conseil d’Etat, un Sénat purement consultatif, composé de soixante-douze membres, et une nouvelle Chambre (Li fa yuen) que devaient élire au second degré des électeurs censitaires, âgés, et triés sur le volet. Le nouveau Cabinet, formé le 2 mai 1914, avait pour président Siu che tch’ang, ancien vice-roi de Mandchourie, ancien vice-président du Conseil privé de l’Empire, qui avait été l’un des hauts fonctionnaires favoris de la dynastie mandchoue et qui, après la révolution, avait été nommé grand tuteur et gardien de l’Empereur. Les autres membres du Cabinet, Souen paoki, ministre des Affaires étrangères, Tchéou tsen tsi, ministre des Finances, Touan k’i jouei, ministre de la Guerre, Leang touen yen, ministre des Communications, étaient d’anciens collègues, des créatures ou des amis du président Yuan. Yuan s’était débarrassé de tous ses rivaux ou ennemis qui avaient, ou succombé dans la dernière sédition de l’été de 1913, ou cherché refuge à