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Le 23 février, un décret présidentiel rétablissait la République. Mais tous ces actes contradictoires se succédant les uns aux autres trahissaient trop l’affolement, l’incohérence désespérée du joueur qui a perdu sa veine et la poursuit encore. Yuan crut qu’il allait pouvoir s’entendre avec tous ses adversaires conjurés, avec Tsai, avec les chefs révolutionnaires, avec les généraux du Yang tse, qui avaient fait mine de l’abandonner, avec ceux du Nord et de Pékin qui fléchissaient, en leur proposant la réunion à Nankin d’une commission des diverses provinces chargée de décider si le pouvoir devait lui être maintenu ou retiré. Il était trop tard. Le gouverneur du Yunnan, Tsai, consentait à accorder la vie sauve à Yuan, mais à condition qu’il fût banni à l’étranger et condamné à restituer les 60 millions de dollars qu’avait coûté la campagne de restauration monarchique. Vinrent ensuite les défections du dictateur de Canton, Long si kouang qui, après s’être déclaré partisan de Yuan, laissait proclamer l’indépendance de la province ; celle du maréchal Feng kouo chang, commandant en chef des troupes du Yang-tse, qui invitait catégoriquement le président Yuan à donner sa démission ; enfin celle même du président du Conseil, le général Touan k’i jouei, qui, appelé par Yuan au poste de premier ministre, refusait de se solidariser avec lui et demandait avec instance à résigner ses hautes fonctions. Abandonné de ceux qu’il croyait ses fidèles, huit provinces s’étant déclarées contre lui, le Chan-tong, le Tche-li, la Mandchourie paraissant à la veille de se détacher. Yuan était vaincu. Dans le courant du mois de mai, le bruit se répandit qu’il était gravement malade. Le 30, les dépêches de Shanghai annonçaient qu’il avait été empoisonné. Le 6 juin, sa mort était confirmée et attribuée, par les uns à un suicide, par les autres à une crise d’urémie. Qu’il ait succombé à la maladie, que le jour fatal ait été hâté par une main criminelle ou qu’il ait lui-même, en absorbant une feuille d’or, mis fin à ses jours, sa destinée n’avait plus aucune issue. Sa brusque disparition ne causa ni surprise, ni émoi. Le général Touan k’i jouei, reprenant aussitôt possession de ses fonctions de président du Conseil, annonça qu’en vertu de la constitution de 1912 autocratiquement restaurée, le vice-président Li yuan hong devenait président de la République. Le rêve et la chimère de Yuan une fois dissipés, le régime fondé en 1912 était rétabli comme si rien