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larges conceptions, aux vues d’ensemble fécondes, aptes à constituer des chefs. D’autre part, les troupes abondent. L’ouvrier espagnol a de sérieuses qualités, qui le font apprécier dans tous les pays où il émigré. En tenant compte d’une certaine indolence (qui n’existe guère que dans le Sud) et surtout d’une fierté chatouilleuse, d’une initiative parfois exagérée, qu’il convient de ménager, l’ouvrier espagnol est intelligent, travailleur et, comme disent nos soldats, « débrouillard. » Il excelle aux tâches nouvelles, aux coups de force, aux grands efforts momentanés, pour lesquels on a mis son amour-propre en jeu ; il est également très capable d’un travail persévérant. Il est sobre et se contente de peu. Ce qui manque généralement, ce sont les intermédiaires, ce sont les sous-ingénieurs, les chefs d’équipe, les contremaîtres ayant reçu une certaine éducation technique sans pourtant dédaigner de mettre la main à l’ouvrage. Les défauts de l’enseignement primaire et secondaire apparaissent là, malgré les très louables efforts dont nous avons pu constater le fruit dans de nombreuses écoles techniques.

Cette situation appelle naturellement un échange avec la France, où ces contremaîtres existent en quantités très suffisantes, tandis que les manœuvres manquent. Dans un commerce, qui se traduit toujours par des apports réciproques, les deux pays ont ici chacun une chose à offrir qui manque à l’autre. L’Espagne peut nous fournir de la monnaie et recevoir des pièces blanches. Soit que nos contremaîtres et maîtres-mineurs français viennent encadrer quelque temps les ouvriers espagnols, soit que des contremaîtres espagnols aillent passer un certain temps d’apprentissage en France, le résultat peut être atteint ; et, jusqu’au jour où cette éducation sera faite, les ouvriers espagnols, surabondans dans leur pays, nous rendront de précieux services en France.

Si l’on estime que ce dernier service mérite une contre-partie plus forte, on peut la trouver dans l’apport de nos capitaux que je proposais tout à l’heure. A côté du travail humain actuel, ceux-ci représentent du travail accumulé, du travail en puissance, comme la houille est de l’énergie ancienne prête à redevenir de l’énergie vivante et active.

J’en ai dit assez pour avoir indiqué les points principaux qui frappent d’abord quand on parcourt l’Espagne économique.