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l’ennemi reportât tous ses espoirs sur la seconde manœuvre : le débordement de notre aile gauche.

Pendant que des combats meurtriers continuaient à se livrer au Nord de Soissons et de Reims, sans qu’aucune décision en résultât, la cavalerie allemande commençait, dès la dernière semaine de septembre, son mouvement vers le Nord sur la rive gauche de l’Oise. De grands espoirs lui semblaient permis : la région qui s’étend entre Beauvais et Dunkerque était démunie de troupes capables de contenir des forces importantes, et le général von der Marwitz, grand maître de cette cavalerie, était résolu à aller aussi loin qu’il le faudrait, — au besoin jusqu’à la mer, — pour trouver notre défaut.

Il eût suffi que cette manœuvre se dessinât pour que l’Etat-major français prit toutes mesures pour garnir de forces les provinces du Nord. Mais, par ailleurs, constatant, après les premiers jours de combats, la solidité des organisations allemande ! de l’Aisne, notre haut commandement avait eu la même pensée stratégique que l’Etat-major adverse. Si celui-ci espérait nous déborder sur notre aile gauche, nous pouvions, gagnant l’ennemi de vitesse, le déborder sur son aile droite, et, la guerre de siège commençant sur l’Aisne, aller chercher sur les plateaux et dans les plaines du Nord un champ de bataille où, derechef, pourrait se déployer notre valeur.

Alors avait commencé cette Course à la Mer des deux partis, qui vaut de faire l’objet d’une étude spéciale. Deux semaines, la double manœuvre tint le monde en suspens : lequel des deux ennemis déborderait l’autre ? Le haut commandement français, tandis qu’il opposait cavalerie à cavalerie, Conneau et Mitry à Marwitz, transportait états-majors et corps d’armée en Picardie, en Artois. Castelnau, appelé de l’Est, couvrait Amiens avec la 2e armée, Maud’huy, détaché de l’Aisne, le prolongeait en Artois, couvrant Arras, tandis que le groupe des divisions territoriales, sous les ordres du général Brugère, doyen de notre armée, collaborait à la défense des deux provinces. Mais la Flandre restait ouverte et de nouvelles forces ennemies pouvaient, de Belgique, déboucher d’un moment à l’autre, venant faire leur jonction avec celles qui, précédées de la cavalerie de Marwitz, montaient du Sud. Seules, deux divisions territoriales, aux ordres du gouverneur de Dunkerque, le général Bidon, couvraient notre grand port du Nord et fermaient,