Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tranchée, donc impropre à la défense et favorable à l’attaque, — sauf que l’eau peut y devenir elle-même défense. Les gens de Cassel et d’Ypres appellent cette région des polders et des hautes chaussées le Noordland, on pourrait l’appeler Groenland (terre verte), car entre les chaussées élevées où passent routes et chemins de fer, ce n’est que verdure, tapis d’herbe, merveilleux pâturage où la guerre, nos soldats en témoigneraient, surprit des troupeaux qu’elle affolait, prés où poussent des saules, des bouleaux, des arbres bas au frêle feuillage frémissant. A l’Est de l’Yser, — retenons ce trait, — il y a encore quelques bois ; il en est un au Nord de Thourout, un à l’Est de Keyem, et, entre Roulers et Merkem, cette forêt d’Houthulst qui n’est certes importante qu’au regard d’une région sans bois, mais qui n’en jouera pas moins dans cette chronique un rôle important. A l’Ouest de la rivière, pas un bouquet sérieux.

Au Sud de ce pays, au delà d’une ligne qui va de Cassel à Langemark, le pays s’élève un peu, mais il faut vraiment que ces Flandres soient la région la plus plate de l’Europe pour que ce piton de Cassel en soit le belvédère, d’où, dit-on, on peut, aux beaux jours, découvrir cent trente bourgs et villages. Il n’en est pas moins vrai que cette vieille petite ville de Cassel a été, de par sa situation, un des nœuds historiques de ces « pays bas, » puisque trois batailles se sont, au XIe, au XIVe, au XVIIe siècle, livrées autour d’elle, en attendant que le général Foch en fit, au XXe siècle, l’observatoire d’où il dirigera la bataille des Flandres.

Des ondulations, — parfois des taupinières, — font de cette ligne Cassel-Langemark, orientée de l’Ouest à l’Est, un rebord de terrasse au-dessus du Noordland : une autre série de collines partant également de Cassel vers le Sud-Est peut encore, à la rigueur, jouer les chaînes, se dirigeant vers Bailleul. Et, entre les deux branches du compas, trois ou quatre hauteurs, — tout étant relatif, — sont appelées monts : le mont des Cats, le Mont Noir, le Sherpenberg, couronnés de moulins à vent et surtout le mont de Kemmel, qui domine vraiment, de Bailleul à Lille, de Lille à Menin, de Menin à Langemark, toute la région et cette légère crête Wytschaete-Messines, qui, à l’Est du Kemmel, en est le gradin inférieur, suffisamment élevée pour qu’elle ait été la partie la plus disputée, — avec les bords de l’Yser, — de ce vaste champ de bataille.