Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il dit à la lune :
Astre de mes jours,
Compagne de ma fortune,
Soutenez-moi toujours.


Mais Fleury mourut et sa mort entraîna la disgrâce du maréchal. En son hôtel du quai d’Orsay, il vivait en particulier riche lorsque J.-H. Bernstorff vint habiter Paris.

Le « cher baron » arriva le 2 avril 1744, à quatre heures du matin. La maréchale ne pouvait courir au-devant de lui à cette heure matinale. Elle en éprouva une vive déception, mais elle eut ce même jour la surprise de le voir à son lever, et leur entrevue fut très affectueuse.

Il savait toutefois à quoi s’en tenir : il devait accepter de n’être jamais que le second dans le cœur de sa charmante amie. Pendant leur séparation, elle lui avait écrit :

« Mon amitié pour vous est inébranlable et votre place sera toujours la même, après M. de Belle-Isle : mon gouverneur et vous (cette façon de parler n’est pas trop polie, mais elle prouve ma vérité), vous êtes tous deux ce que j’ai de plus cher dans le monde et dont je ne cesse d’être occupée. »

Le baron apporta dans son rôle de sigisbée un tact, un savoir-vivre accomplis. « C’était, a dit le duc de Luynes, une manière de philosophe, capable de grands attachemens. » Il prit domicile d’abord à l’hôtel de Hollande, rue de Vaugirard, et chaque jour, à la même heure, il vint s’entretenir avec la belle maréchale. Dans un long et tendre bavardage, ils se renseignaient mutuellement sur leur santé et se communiquaient les potins du jour.

Cela continua après que Bernstorff se fut installé rue Bourbon, dans un hôtel retenu par Mme de Belle-Isle. Il trouvait dans la matinée la maréchale en négligé, à sa table de toilette, quelquefois au lit, raconte le biographe danois des Bernstorff, l’historien A. Friis. L’ami entrait, l’épée au côté, des fleurs et des fruits dans les mains, toujours habillé avec élégance, guidé dans l’arrangement de ses costumes par Mme de Belle-Isle, qui lui brodait manchettes et jabots et choisissait ses perruques. Elle ne pouvait se passer de lui à son lever ; même souffrante, sa porte étant défendue à tout autre visiteur, elle le recevait.

J.-H. Bernstorff se meubla très richement, eut une trentaine