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ainsi, fort exactement, la quantité d’explosifs qui leur était nécessaire. Des matières inflammables étaient préparées, pour le cas où les explosifs ne suffiraient pas.

L’opération prévue et prescrite par les directives de l’état-major allemand commença, dans les derniers jours de février, par l’évacuation forcée d’environ 1990 habitants de Chauny, la plupart vieux ou infirmes (à peu près tout ce qui restait d’une population de plus de dix mille âmes !) que l’on entassa pêle-mêle avec trois milliers d’évacués de treize communes d’alentour et même du canton de La Fère, dans un faubourg qui, en temps ordinaire, ne peut guère loger plus d’un millier de personnes. Quand cet internement fut achevé, on procéda méthodiquement au pillage de la ville déserte. Les maisons, avant d’être bourrées de dynamite et de cheddite, furent vidées de tout leur contenu. Les meubles furent déménagés. L’effraction des coffres-forts fut organisée comme à Noyon. On peut voir, en explorant les ruines de l’église Notre-Dame de Chauny, ce que fut ce pillage final. Les trois troncs de l’église sont brisés, et les traces des instrumens de cambriolage qui ont servi à cette fracture sont très visibles. Les serrures des armoires ménagées dans les boiseries sont forcées. Les portes de la sacristie sont enfoncées et l’on a jeté sur le plancher, en vidant les tiroirs, tout ce qu’on n’a pas emporté.

En s’en allant, dans la nuit du 19 au 20 mars, les Allemands firent un dernier geste, qu’il faut noter, comme l’épilogue de ces jours d’angoisse, de larmes et de sang. Leurs batteries, installées à Saint-Gobain et sur les buttes de Rouy, envoyèrent des obus sur les bâtimens de l’institution ecclésiastique Saint-Charles, qui servait de refuge à des vieillards, à des enfans, à des malades, et dont ils ne pouvaient ignorer la destination, puisqu’ils avaient fait peindre eux-mêmes, sur la toiture -de cet établissement, plusieurs croix rouges, entourées de cercles blancs. Un enfant de dix ans, entre autres victimes, a péri dans ce bombardement stupide et féroce.

Par un ordre de cabinet, daté du 24 mars 1917, Guillaume II a adressé ses félicitations officielles au maréchal Hindenburg, pour avoir ravagé nos départemens de l’Oise, de l’Aisne et de la Somme.

« Avec une sage clairvoyance, disait le kaiser à son subordonné,