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18 mars en substituant à la longue et forcément stérile canonnade des cuirassés contre des batteries de circonstance invisibles ou mobiles, un rapide passage de vive force. Cette opération « à la Ferragut » eût certainement réussi, moyennant l’emploi de mesures de précaution et d’appareils spéciaux dont on ne s’avisa qu’après coup.

Mais ce qui n’a pas été fait alors peut se faire aujourd’hui ; et si, à la vérité, on ne saurait guère reprendre en sens inverse le grand mouvement stratégique qui a porté l’armée d’Orient des Dardanelles dans la Macédoine — un de ces beaux changemens de base que permet seule la maîtrise de la mer ! — on peut parfaitement admettre une opération d’ensemble qui comprendrait à la fois l’offensive générale sur le front actuel de l’armée combinée, une forte démonstration dans le golfe de Saros, d’où l’on n’est qu’à 75 kilomètres de la grande et essentielle ligne de communications de la Mittel-Europa : Berlin-Vienne-Belgrade-Sofia-Constantinople [1], enfin le forcement des Dardanelles par une flotte ayant une composition particulière, que je ne saurais indiquer ici sans inconvénient.

Je n’ai pas besoin de m’étendre sur les résultats de l’apparition d’une escadre alliée devant Constantinople. Tout le monde est d’accord là-dessus. N’oublions pas que l’escadre russe de la mer Noire, réorganisée comme il est permis de l’espérer, ferait sentir son action sur l’entrée septentrionale du Bosphore, au moins à titre de diversion, sinon à titre d’attaque principale. Les raisons d’ordre politique qui, au cours de l’année 1915, paralysaient cette force navale, n’existent plus aujourd’hui.

J’ajoute que les heureux événemens qui se produisent en Grèce au moment où j’écris, non seulement nous rendent la libre disposition de notre flotte, mais nous permettent d’espérer qu’à l’automne prochain, — la saison favorable dans le Levant, — une nouvelle armée grecque pourra, ou bien se joindre à celle qu’a formée déjà le gouvernement de Salonique, ou bien participer, dans la mesure qui sera jugée convenable, à l’opération dont je viens de parler.

L’offensive générale de l’armée de Macédoine rentre certainement

  1. Il y a eu déjà des « raids » d’aéroplanes alliés dans cette direction en 1915 et 1916. Observons à ce sujet quelle importance de plus en plus grande prend la coopération de ces appareils et des navires, soit de surface, soit de plongée dans la guerre de côtes. Dans le cas qui nous occupe, cette importance serait capitale.