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M. Capus comme « le père prodigue d’une doctrine nonchalante et optimiste. » M. Donnay a révisé cette légende ; mais déjà M. Capus, dans les Deux Hommes, avait pris soin de donner des hasards heureux de la veine une explication moins sommaire. « Enfin, voyez-vous, ma chère amie, dit Marcel Delonze, il y a deux grandes catégories d’hommes civilisés : ceux qui s’adaptent exactement à leur époque, et ne lui demandent que ce qu’elle peut donner, et c’est parmi ceux-là que la vie choisit ses vainqueurs, car ce qu’on appelle la chance, c’est la faculté de s’adapter instantanément à l’imprévu. Et puis il y a ceux qui ne s’adaptent pas, qu’ils soient nés trop tard ou trop tôt, qu’ils aient encore les idées d’hier ou qu’ils aient déjà celles de demain. Et ceux-là, ce sont les vaincus. Je ne vous dis pas qu’ils le méritent ; je ne vous dis pas que cela soit très juste, mais cela s’accomplit avec la tranquille fatalité des lois de la nature. » Ainsi, la chance, ce n’est que l’adaptation. Et voilà comment on retrouve chez un auteur parisien les idées dont il avait nourri sa jeunesse par les soins d’un oncle, ami de Liltré ; voilà comment on retrouve, par le détour le plus inattendu, sur une scène du boulevard, ce même Darwin, sur qui M. Capus avait fait, en 1885, son premier article. Et si la chance est la survivance du plus apte, voici que son règne devient beaucoup moins consolant. « Eh bien ! moi, ajoute Marcel Delonze, je ne m’adapte pas, c’est bien simple, et je fais un acte de sagesse en disparaissant d’une mêlée où je ne peux que recevoir des coups de tout le monde. » Quel cri douloureux ! M. Capus, par pure bonté d’âme, fera bien épouser, à ce Marcel, Thérèse Champlin qu’il aime ; mais changera-t-il son destin de vaincu ?

Le moment Donnay-Capus a été fort court. Dès 1900, de jeunes dramaturges apparaissaient, un Bernstein, un Bataille, et restauraient la tragédie moderne. Hervieu construisait de fortes machines. On raconte qu’en 1905, à la représentation du Réveil, un spectateur s’écria : « Nous sommes décapusinés. » Mais, en réalité, la loi de réaction avait ramené M. Donnay et M. Capus les premiers à un théâtre plus pathétique et plus dramatique. On voit M. Donnay tourner aux pièces sérieuses par un ouvrage de transition, Georgette Lemeunier, joué au Vaudeville le 15 décembre 1898. Le Torrent, donné à la Comédie-Française le 5 mai 1899, est déjà de la nouvelle manière. M. Capus a évolué un peu plus tard. Mais relisez l’Oiseau blessé, qui est de 1908. Salvière s’éprend d’une fille malheureuse qu’il protège, Yvonne. Sa femme s’en aperçoit, en devient jalouse, puis pense à