Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pied ses avances. Une « question » du président Wilson aux belligérans sur leurs « buts de guerre » respectifs vint mettre en un piquant relief la cauteleuse insincérité de l’Austro-Allemagne et la courageuse franchise de l’Entente. Que les Alliés se soient longuement concertés pour rédiger leurs deux réponses, c’est ce qui est l’évidence même, et aucun d’eux n’a le droit d’en revendiquer la responsabilité exclusive ; mais que la plume qui les a rédigées ait été tenue en France, c’est ce qui ressort de mille petits faits et nuances distinctives. Et nous pouvons croire que si la France a été choisie pour porte-parole, ce n’est pas seulement en signe d’hommage à la traditionnelle perfection de sa langue diplomatique ; c’est aussi parce qu’en dépit de ses deuils et de ses souffrances, et de son légitime désir de paix, elle était moins que jamais le pays des capitulations et des défaillances.

Pour raviver son courage, affermir son endurance, décupler son énergie et calmer son impatience, la France avait, dans les événemens mêmes, des raisons d’espérer qui manquaient à son ennemie. Oui, sans doute, la campagne d’été n’avait pas eu le temps de porter tous ses fruits légitimes, et le territoire national n’était pas libéré. Oui, sans doute, l’intervention roumaine avait surtout servi à ravitailler l’adversaire, et l’attitude de la Grèce royale n’était rien moins que rassurante. Oui, sans doute enfin, la vie matérielle devenait plus difficile, et l’on ne pouvait songer sans angoisse à l’existence sordide et dure de nos chers soldats dans leurs tranchées, sous les rafales de bise et les pluies d’un troisième hiver. Mais, en revanche, quel tragique aveu d’impuissance, de misère et de désespérance dans cette offre, maladroitement fanfaronne, d’une paix « modérée, » qu’on se refusait d’ailleurs à définir ! Aussi bien, l’offensive contre la Roumanie était arrêtée, et l’armée roumaine, sauvée par les Russes, n’avait pas été mise hors de cause. D’autre part, il était visible que les Alliés, instruits par l’expérience, resserraient leur union, avisaient aux meilleurs moyens de réparer les lacunes et de corriger les imperfections de leur organisation politique, diplomatique et militaire. L’Italie avait déclaré la guerre à l’Allemagne et s’associait de plus en plus étroitement à notre campagne balkanique. L’Angleterre, qui avait eu l’admirable courage de rompre avec toutes ses traditions et d’adopter le service militaire obligatoire, l’Angleterre