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a vu qu’il y allait non seulement de son existence nationale, mais encore du partage du monde, et de l’avenir de la civilisation tout entière. Jamais encore, au cours des innombrables guerres qu’elle a soutenues, de si hautes et de si graves questions n’avaient été comme impliquées dans sa propre cause. Voilà pourquoi elle s’est dressée dans un élan unanime ; voilà pourquoi elle a « tenu, » au prix des pires souffrances ; voilà pourquoi, même aux heures de lassitude, elle a versé sans se plaindre le sang de ses plus généreux enfans. Fière de la mission douloureuse et glorieuse qui s’imposait à elle, elle l’a remplie sans défaillir. Ce peuple qui a le génie de l’universel a senti revivre en lui-même, dans toute leur splendeur, les plus rares, les plus profondes vertus de sa race ; on les avait crues éteintes ; elles n’étaient qu’assoupies. Nos vieux croisés, nos volontaires de 1792 se seraient reconnus dans les visages transfigurés des vainqueurs de la Marne et de Verdun. Jamais la France, dans toute son histoire, n’a plus fortement senti qu’elle s’accordait au plan général de l’univers, qu’elle collaborait à une œuvre d’éternité. Elle s’est montrée digne de cette tâche, pour laquelle un Bossuet eût ouvert un nouveau chapitre de son Histoire universelle. Par son courage, par son abnégation, par son endurance, par sa « fière modestie, » par ses sacrifices, elle aura mérité la victoire finale, celle dont nous entrevoyons l’aube radieuse, celle qui fera entrer l’humanité dans une ère nouvelle et meilleure. La signification de cette guerre, le rôle qu’y a joué la France, c’est peut-être un officier allemand qui les a le mieux définis, quand il disait : « Nous ne pouvons pas être vainqueurs. En 1870, nous avions la Providence pour nous. Aujourd’hui, nous l’avons contre nous. »


VICTOR GIRAUD.